9 décembre 2013

L'Empire des sens

Sed Non Satiata est un des meilleurs représentants du Screamo à la française, actif depuis 2005. Après une pause de trois ans jusqu'en 2011 et la sortie d'un superbe EP éponyme, ils reviennent aujourd'hui avec un nouveau LP enregistré dans le mythique studio Electrical Audio de Chicago.

Mappō en japonais c'est la dernière des trois ères qui composent un cycle dans la cosmologie du bouddhisme. Autant vous dire que ce n'est pas ça qui m'a aidé à entrer dans le nouvel album des toulousains. Car oui, j'ai véritablement eu du mal, depuis les premiers titres postés sur leur Bandcamp jusqu'au moment où j'ai pu entendre le disque en entier, je suis resté sur le bord du quai. Et c'était frustrant car je pressentais que si j'arrivais à sauter dans un wagon, j'aurai envie de me balader dans tout le train, de m'y perdre encore et encore. Je ne sais pas ce qui me donnait cette certitude mais il fallait que je m'acharne.

Alors je l'ai bouffé cet album, par petits bouts et en entier, en travaillant ou en lisant, dans le train ou mon salon, avec des amis et seul. Et petit à petit, j'ai réussi à me sentir à l'aise.
« Extrospection »et son riff de guitare, des fragments de textes qui me parlaient et même si l'ensemble me semblait toujours opaque, à cause de ce chant que je n'arrivais pas à m'approprier, une sensation faisait son chemin en moi, lentement. Et après un grand nombre d'écoutes, tout à fini par s'éclaircir.

Depuis je fais les cent pas à l'intérieur de ce disque, je m'y perds encore souvent, mais dans chacun de ses morceaux je sais retrouvé tout ce qui me plaît chez Sed Non Satiata. Une capacité à créer des ambiances qui collent si parfaitement à nos émotions et un sens de l'architecture musicale proprement renversant. Il n'y a qu'à écouter les huit minutes de « Soma » pour se rendre compte de cela, alors pourquoi aie-je mis si longtemps avant de l'entendre ? Certainement parce que le Screamo est musicalement tellement codifié qu'il est rare d'entendre un groupe sachant sublimer ces codes pour faire entendre sa singularité. Sed Non Satiata est clairement de ceux-là et vient de nous offrir un disque dont on se souviendra longtemps. Dans ce style musical où les surprises sont rares on n'avait pas vu ça depuis Y de Daïtro et c'était il y a quatre ans déjà.

« La singularité est subversive. » Edmond Jabès.

Sois Cannibale !

8 décembre 2013

Me, Myself and I

En 2012, le label Strut sortait une double compil intitulée Metal Dance et offrant un panorama de l'Indus, de la New-wave et du Post-punk des années 80. Cette années rebelote avec le volume 2 : au programme, beats figés, danses robotiques et mélodies glaciales.

"Eh, t'as écouté la nouvelle compil de Trevor Jackson ? Le truc sur les années 80 ?
-Ouais, c'est pas trop mon kiff à la base moi tout ce qui est Indus, EBM et tout ça... Je voulais quand même mourir moins con alors je l'ai acheté. J'te rappelle qu'on était ensemble !
-Ah ouais, c'est vrai... Moi c'est pareil, j'étais curieux d'avoir une porte d'entrée dans cet univers assez vaste, je ne savais pas trop comment faire tout seul. Pour ça, cette compil est géniale."

Entre une troisième personne...

"Salut les mecs, ça va ?
-Bah ouais, comme toi en fait... On parlait de la compile Metal Dance, la deuxième.
-Ah ouais, putain, j'adore. Le fait qu'il y est tant de trucs vraiment très différents et que ça soit si cohérent, c'est génial. J'ai découvert plein de groupes sur ces deux disques.J'aime beaucoup le premier disque, chaque titre est excellent sauf, et là franchement je ne comprends pas pourquoi avoir mis ça, "être assis ou danser" de Liaisons Dangereuses. La voix est vraiment horrible, on dirait un mauvais trip à la Kétamine à l'arrière d'une boite de nuit de province, je n'arrive pas à comprendre ce choix.
-C'est vrai, moi non plus. Alors que y a le titre de Logic System avec une voix française, ce titre est magique, j'aime beaucoup l'intro avec ce son saturé qui monte avec des bidouillages derrière jusqu'à ce que le clavier et la rythmique arrive.
-Ouais, et ce texte ultra glauque à moitié déclamé... Y a une atmosphère super bien rendu sur morceau, on dirait un récit de voyage intérieur, une sorte de trip super froid, c'est un de mes titres préférés. J'aime bien celui de Tuxedomoon aussi.
-Ah ouais, le premier, avec la grosse basse...
-Ouais, faut être dans l'ambiance, quoi.
-Moi j'aime bien Esplendor Geométrico, le beat avec les sons hyper stridents et les cris de possédés chelous qui donnent l'impression de s'entrechoquer avec la rythmique.
-Ouais, t'es bizarre toi.
-Bah c'est franchement le genre de musique que j'écouterai de moi-même, c'est en ça que cette compile est cool, elle ouvre une porte vers des univers, des trucs que je n'aurai jamais écouté sinon. 
-Y a le titre de Psyche aussi, avec la mélodie super simple et donc carrément entêtante. J'crois que c'est le seul titre des deux disques que j'écoute en boucle... Et cette voix, super grave... Avec ce titre je suis en terrain connu, un mélange Post-punk/New-wave, sombre et mélodique. Putain, mais c'est un tube en fait !
-Pfff, alors toi, t'as toujours aimé les trucs putassier.
-Bon bah ce premier disque est impressionnant, douze titres, une seule faute de goût.
-Non, mais moi le titre de Liaisons dangereuses, je le trouve rigolo... "Il ne peut pas s'arrêter de danser-é-é-é-é !
-J'te dis, t'es bizarre..."

 "Ah, sur le deuxième disque, mon ego est flatté, je connais quatre groupes... Ministry, j'en ai fréquenté mais des plus Metal, j'aime beaucoup ce titre : Bruyant, mélodique, pêchu...
-Ouais, enfin cette voix de mec qui donne l'impression de courir après la rythmique, moi je ne suis pas fan.
-Quoi ? Mais sur le refrain, ça fait des merveilles !!! T'es vraiment trop con, c'est vrai en fait, dès que c'est pas putassier, que la mélodie est un peu distordu, ça te plait plus.
-Moi, j'suis bloqué sur Chris & Cosey,  c'est obsédant, hypnotique et assez flippant. Un des titres les plus froids de la compil.
-Ouais, ça tourne en boucle un peu...
-Bah c'est le but aussi !
-Le morceau de Test Dept, j'sais pas pourquoi, j'y reviens souvent, il me donne envie de soulever des barres d'acier dans le desert de Gobi, entouré de serpents. Les serpents c'est sûrement à cause des sons qui fourmillent de partout, qui te sautent dessus puis s'en vont avant que d'autres te prennent par surprise.
-Y a pas chant, moi ça me gave !
-Ah oui toi, il te faut des chansons. CHBB, ça te parle plus ?
-Ah non, pour moi c'est l'équivalent du truc de Liaisons Dangereuses, j'ai vraiment du mal.
-Ahahah, j'adore, on dirai que le type dit "Il m'a niqué ma joie" en boucle.
-Pfff, non mais franchement, moi j'suis pas là pour me marrer, j'veux du brutal. Front 242, là on est dans le sujet, c'est glauque, on se prend des stalactites dans la tronche, c'est la nuit et on est perdu dans un labyrinthe de taules.
-J'suis carrément d'accord, c'est le morceau qui calme.
-Mouais, y a pas de chant...
-Haruomi Hosono, pour le côté bien chelou, les échos sur les voix, les boucles... C'est à la fois répétitif et progressif, ça se développe sans que tu t'en aperçoives. Le titre parfait pour faire ses comptes en enchainant les clopes.
-T'es bizarre, j'aime pas trop les gens bizarres.
-Godley and Creme, parce que le refrain qui dit "je veux faire des bébés avec toi toute la nuit" sur une musique de post-guerre atomique, je trouve ça super romantique. Ils avaient vraiment des soucis dans les 80's, je ne sais pas pourquoi ? Thatcher ? Le Sida ? Casimir ?
-J'l'aime bien aussi celle là, elle m'aide à m'endormir le soir, et quand à la fin du titre la voix se ralentir, je suis persuadé que c'est que je sombre. Alors je sombre.
-Ouais, trouve toi une nana, pour lui faire des bébés toute la nuit...
-The Mile High Club... Incroyable, y a qu'à cette époque qu'on arrivait à faire des titres à la fois guerriers, dansants et mélancoliques. Le mélange de voix féminines avec celle vocodée d'un mec, fait des merveilles.
-C'est vrai que je m'imagine assez me faire péter le nez, quitter par une fille, pleurer, danser et taper dans les mains sur les 6 minutes 30 de ce titre. C'est fou, on n'en fait plus des comme ça.
-Le reste du disque, bofbof... Doris Norton, on dirait le générique d'un JT crée par un mec qui aurait eu une mauvaise interprétation du cahier des charges à cause de son addiction au Prozac.
-Ouais, le début en mode "Flash spécial de notre rédaction". Vice Versa est génial, c'est court, c'est bon.
-Toi t'es fan de SF. Plus Instrument, ça me rappelle une prof d'allemand, sauf que sur cette chanson elle ferait un strip-tease et c'est horriblement sale.
-Ahah, et on a le pendant masculin avec Conrad Schnitzler.
-Complètement... Neon, on est en territoire connu, Post-punk des steppes arides. Tu veux bien augmenter le chauffage ?
-Ah bah, il reste que Arthur Brown & Craig Leon, et on aura parlé de tout le disque... J'aime assez celui-ci, grosse basse, j'aime bien le chant, ça me fait vaguement penser à Talking Heads.
-Mouais... Le deuxième disque est moins bien, beaucoup de déchets... Ou alors c'est des trucs d'esthètes et on est trop cons pour y comprendre quelque-chose.
-On a moins parlé du premier disque, il est vachement mieux !
-Boarf, il suffit de l'écouter..."


"L'histoire de l'industrie est le livre ouvert des facultés humaines." Karl Marx. (Putain, imagine Karl Marx danser sur Liaisons Dangereuses...)


Fait des bébés toute la nuit et sois cannibale.

26 novembre 2013

Au-delà du dôme du tonnerre

  Phœbus est le second LP des suisses de Cortez, après Initial en 2005 qui avait déjà remis à l'heure les pendules du post-hardcore. L'an dernier, ils avaient réussi à se rappeler à notre bon souvenir sur un split écrasant avec les toulousains de Plebeian Granstand. Ambiance.

Si ta vie ressemble à un mixte entre Mad Max et New York 97, que tu te balades dans les rues de ta ville avec une Kalachnikov visée sous le bras, tu n'auras peut-être pas le temps d'écouter ce disque et c'est bien dommage car il est fait pour toi. Enfin, rassure-toi, si tu es un crypto-hipster fan de zouk apocalyptique, que tu hurles quotidiennement ta haine d'une époque que tu ne comprend pas, et qui n'offre de toutes façons pas de place pour toi, ça te parlera aussi.

Dès l'introductif « Temps-mort », le ton est donné : Larsen, fureur et cavalcade noire. Et la cadence ne faiblira pas tout au long des dix titres pour autant de mandales. Malgré cela, les trois apôtres réussissent l'immense tour de force de rendre chaque minute passionnante, cela par une foisonnante richesse de plans, de breaks et de cassures vertébrales sans guérison possible. Car si les suisses sont réputés pour leur neutralité, Cortez lui part à l'assaut pour te mettre à genou, sans oublier de faire ça avec le sourire par la grâce cynique de quelques petites références disséminées ici et là, pour te rappeler que ce qui compte dans la castagne c'est de la mener avec style.

Parfois quand la lune est bien haute dans le ciel et que ma banlieue dort du sommeil des justes, je sors de ma tanière nu et recouvert de peintures bariolées pour aller courir après les étoiles, le casque sur les oreilles, dans une échappée sans merci vers une vérité qui se fait plus mystérieuse à chaque foulée me rapprochant d'elle. Phœbus en est la bande-son, chaque nuit recommencée. Alors si toi aussi ta quête est une folie, rejoins-nous.


« He came dancing across the water/With his galleons and guns/Looking for the new world/In that palace in the sun. » Neil Young, « Cortez the killer ». 

Nudisme et cannibalisme

19 novembre 2013

La Grande bouffe

Depuis un bout de temps, je voulais parler du maousse coffret live des Young Gods et je n'y arrivais pas. C'est ce qui arrive quand le groupe me tient à cœur plus que les autres, il est bien plus facile de dire du mal que du bien et encore plus difficile de dire l'affection profonde qu'on peut avoir pour un groupe. Puis, il y a quelques jours, et alors que j'attendais d'arriver à les voir sur scène depuis près de dix ans, j'ai assisté au concert du Nouveau Casino. Une attente plus que récompensée puisque cette grosse heure devant les suisses restera pour moi comme un des lives les plus marquants de ma jeune existence (oui, jeune, on se tait là-bas dans le fond).

L'occasion était donc toute trouvée pour parler de ses trois lives audio et vidéo réunis sur six disques. Parce que chez eux quand on fête ses vingt-cinq balais, on ne fait pas ça à moitié, on se fait plaisir et on offre un beau cadeau à tout le monde. Qui y a-t-il au menu de cette grande bouffe ? Un live tiré de la tournée Super Ready/Fragmenté, un autre avec un orchestre symphonique et la collaboration avec Dälek aux eurockéennes. Trois concerts donc et trois facettes du groupe, qui nous rappellent chacune à quel point les Young Gods sont une formation riche, alliant puissance, expérimentation et musicalité.

Le concert avec l'orchestre a été capté lors du festival de Montreux, leur musique y est alors sublimée par des arrangements de cordes qu'on croirait avoir toujours fait partie des morceaux. Toute la discographie de l'époque y passe (Everybody Knows est sorti juste après ce coffret) et chaque nouvelle version sublime l'originale.

Le live de la tournée Super Ready/Fragmenté est lui un concentré d'énergie brut, le son est énorme et l’électricité y est à l'honneur. C'est grâce à lui que j'ai pu m'habituer aux morceaux de l'album du même nom dans lesquels j'avais beaucoup de mal à rentrer. Les images du DVD sont superbes, la fougue live du trio y est à chaque instant palpable. Une bonne remise à l'heure des pendules (suisses, forcément) pour ceux qui pensaient que le groupe se ramollissait avec les années.

Les disques en collaborations avec Dälek sont plus difficiles d'accès, plus expérimentaux mais offrent une relecture passionnante du répertoire des deux groupes. La connexion est totale puisque des morceaux ont été composés à deux groupes spécialement pour cette création. Le DVD est captivant, en cela qu'il montre deux groupes fusionnant pour former une nouvelle entité, on voit l’interaction qui s'établit entre les musiciens, le côté Work in progress.

Pour moi, tout cela met en avant l'aspect hors normes et sans limite de ce qu'est la musique des Young Gods : une expérience qui va bien au-delà du son, vectrice de sensations et de voyages intérieurs. Trois ans après sa sortie, j'écoute encore ce coffret régulièrement, en le trouvant toujours aussi captivant et je n'imagine pas pouvoir m'en lasser tant j'aime à m'y plonger et à m'y perdre, encore et encore. Il y a du génie dans ces quelques heures de musique.


 "La modération est une chose fatale. "Assez" est mauvais comme un repas. "Trop" est bon comme un festin." Oscar Wilde.

Mets les petits plats dans les grands et sois cannibale.

4 novembre 2013

Knight Star

Ah Klaus Kinski en magicien ambigu et Harvey Keitel en soldat débile profond, les extra-terrestres que l'on prend pour des chevaliers chevauchants des dragons et les princesses complètement neuneus... Enfin, je m'égare... Quand le nom du post est celui d'un film bizarre, dont le héro porte un scaphandre, dessiné par un type très certainement viré par Paco Rabane pour trafic de drogues de synthèse, c'est que c'est l'heure de parler d'actu. Bah oui, parce qu'à force de répéter que c'est la rentrée, on est déjà en novembre et à force de dire "oui, oui ça se rafraichi", c'est bientôt noël.

Je ne vous parlerai pas du disque que j'offrirai à mon pire ennemi parce que je n'ai pas trop d'argent à foutre par les fenêtres et ici c'est un endroit où on dit du bien. Ou alors on ne dit rien. Je vais quand même vous dire quelques mots sur le dernier Red Fang, Whales and Leeches. Parce que, si comme beaucoup, j'adore ce groupe, leurs vidéos funs et leurs concerts (un des meilleurs groupes actuels sur une scène), que j'écoute encore régulièrement le précédent LP, le nouveau je ne sais pas encore trop quoi en penser, alors je l'écoute et j'essaye de me faire un avis... Qui vivra, verra.

Question facilité, claque directe et avis tranché, je peux par contre vous dire que le 10 pouces Gaffe de Pigs, sorti tout récemment par le label français Solar Flare, a tout bon du début à la fin. Trois titres pour trois réussites, un sans faute et un disque si addictif que j'attends déjà fébrilement la suite. Les quelques concerts donnés dans notre petit pays avec Sofy Major ont fait le reste. Suffocant.

Touche Amore nous offre un Lp toujours aussi concentré. En une petite demi heure, le groupe de Californie nous présente ce qu'il sait faire de mieux dans un disque au moins aussi bon que son prédécesseur. Intensité, émotion pour un disque simple, Hardcore et moderne. Que demander de plus ?

Comme les reformations pullulent, que de vieilles gloires sortent des nouveaux disques, Sebadoh ne manque, heureusement, pas à l'appel.  Disons-le tout de suite (et tout le monde le sait déjà) : Defend Yourself est incroyablement bon. Un disque terriblement riche, absolument pas enfermé dans la nostalgie 90's, des chansons tout bonnement géniales, qu'on aime réécouter, encore et encore. Du plaisir!

Quand Sonic Youth a splitté, le rock indé tirait la tronche. Et finalement, comme quand des parents divorcent leurs enfants ont deux fois plus de cadeaux, pour nous aussi c'est régulièrement deux fois noël. Il y a d'abord Body/Head, le duo formé par Bill Nace et Kim Gordon, dont le premier album Coming Appart n'en finit pas de tourner pour diffuser en continu ses atouts noise si attractifs. Et il y a le, déjà deuxième, LP post-Sonic Youth de Lee Ranaldo. Last night on earth est un disque magique, une collection de chansons classieuses qui donnent tout simplement envie d'écouter de la musique. Et ça, c'est franchement bien, non ?
  
"Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide." Francis Ponge. 

Fais bouillir de l'eau et sois cannibale

3 novembre 2013

Quiz Show

Nous sommes en 1979, les Talking Heads s’apprêtent à sortir, coup sur coup, leurs deux meilleurs albums : Fear of music et Remain in Light. Les hippies appartiennent maintenant à l'Histoire et le punk commence à sentir un peu le renfermé, alors pourquoi ne pas révolutionner tout ça, l'air de rien ?

Néons. Désormais, la musique des Talkings, aidés en cela par un certain Brian Eno, revêt des atours synthétiques. Les rythmiques sont répétitives, presque tribales, on vise la transe. Miracle de la modernité, synthétiques les drogues le sont aussi. L'atmosphère dansante qui règne sur ces disques, robotique comme du Krautrock décharné, cache en réalité des courants bien plus sombres et plus flippants.

Sirènes. En effet, c'est de paranoïa qu'est venu nous parler David Byrne, de la peur du monde, de la crainte de soi-même. Sur "Mind", il nous explique d'un air faussement détaché que rien ne pourra changer la donne, ni la religion ou l'argent, ni même la drogue. Aucune communication ne sera possible. Il ne reste plus alors qu'à danser, un sourire cynique figé sur des visages, comme des masques. Chaque chanson parle de ce manque, de cette absence, de ce qui disparait et de la crainte que cela soit définitif. Et Byrne nous raconte cela comme si rien, comme si cela faisait si longtemps qu'il avait déjà appris à s'en foutre.

Pilules. Fear of music se termine par une bien mauvaise descente : "Drugs". Tempo ralenti, vagues de synthés vaporeuses, tout ici crie et suinte l'angoisse. 5 minutes et 20 secondes de tension et d'horreur.. Plus dure est la chute.

"I don't know what they're talking about
The boys are worried, the girls are shocked
They pick the sound and let it drop
Nobody know what they're talking about"

Quand arrive Remain in light l'année suivante, plus rien à tenter, le mal est fait. Les années 80, dents longues sur sols brillants. La voix est plus fantomatique que jamais, la musique, glaciale et syncopée, sonne comme la bande son d'une sorte de rite païen qui verrait les anciens punks défiler dans les rues de New York. "Once In A Lifetime" Servira de hit parfait, une des premières chansons à parler de consumérisme de manière aussi sombre et frontale. 

"You may ask yourself, how do I work this?
You may ask yourself, where is that large automobile?
You may tell yourself, this is not my beautiful house
You may tell yourself, this is not my beautiful wife"

Soigne ta parano en devenant cannibale.

22 octobre 2013

Ressources humaines

Pour la dernière rentrée scolaire, on a eu le droit à une bonne nouvelle. Oui, mais voilà, elle venait confirmer ce que l'on savait déjà : 12XU c'est fini ! On pouvait alors se consoler avec On largue les amarres. Une jolie épitaphe, un magnifique objet accompagné d'un livret rempli d'anecdotes et de photos.

Ce disque posthume reprend tous les titres présents sur tout ce que le groupe a sorti en dehors des Grandes Marées (quel putain d'album). Il y a donc ceux des splits avec Old Growth et Abject Object, ceux sortis sur des compils et l’intégralité de la single serie. Comme la générosité est ici de rigueur, vous aurez le droit en plus à deux inédits dont une reprise sympa de La Fraction. Ajoutez à cela que le disque est vendu par Stonehenge pour 8 petits euro.

L'intérêt de l'objet, hormis sa grande classe, est que la plupart de ces morceaux sont introuvables et constituent un témoignage de ce que fut 12XU : un groupe fun et humble, trois types qui se font plaisir. Chaque titre donne envie de chanter à gorge déployée leurs quelques lignes de paroles si particulières. La galette regorge de tubes : "Tigre de papier", "Salut les jeunes" ou l'excellente reprise du "Coming clean" de Green Day et sa teneur nostalgique la rendant encore meilleure que l'originale.

Ils sont rares les exemples de groupes Emo Punk sachant jouer du versant mélodique avec autant d'aisance, cela sans jamais tomber dans le mielleux ou la caricature. Tout ici respire la sincérité, chaque morceau fait mouche dès la première écoute tout en réalisant l'incroyable tour de force de ne jamais lasser, même après de nombreuses écoutes. Car une fois gouté à ces seize morceaux, vous ne pourrez plus les quitter pendant un bon bout de temps, tant leur apparente simplicité cache des trésors, ici une ligne de chant qui fait frissonner, là un gimmick de batterie addictif.

Heureusement on a de quoi se consoler de la perte de cet excellent groupe puisque les trois membres jouent dans d'autres formations. Gwen et Julien dans Bâton rouge (dont un deuxième LP est prévu pour l'an prochain), Hugues dans Veuve SS (leur EP viscères est une énorme tuerie) et Gwen encore dans Torino dont le premier EP vient tout juste de sortir chez Echo Canyon.


"Il y a toujours dans ma tête "do you have the time to listen to me whine"". "K7 abimées".

Rembobine et sois cannibale !

21 octobre 2013

French Connection

Au beau milieu des 90's, la France allait enfanter d'un truc merveilleux, sur tout le territoire un vent semait quelque-chose d'aussi imparable qu'agréablement nauséabond : Une scène Noise ! Une poignée de groupes indispensables allaient alors répandre la bonne parole au travers de quelques disques aussi géniaux qu'aujourd'hui, pour la plupart, introuvables. Be kind rewind !

Rien à foutre ici de l'objectivité et encore moins de l’exhaustivité, je ne parlerai ici que de ce qui me plait... Commençons donc par un groupe qui squatte toujours aussi souvent ma platine, Bästard. Ces cinq de Lyon avaient tout compris, tout digéré et il venaient convertir l'hexagone à la rugosité bienvenue de leur musique hors-normes. Un son abrasif, touffu, recouvert de samples glaciaux, des morceaux expérimentaux et fous mais, tour de force, jamais chiant et toujours efficaces.

Continuons avec Sloy, la réponse française parfaite à Jesus Lizard. En trois albums gorgés de tubes furieusement addictifs, les trois sudistes (exilés plus tard à Rennes) écrivent une des meilleures pages du rock indé de chez nous. Une pléthore de claques, beaucoup de fun et, si longtemps après, toujours cette envie de réécouter, encore et encore.

Dans le sud, on avait aussi Tantrum. Dans une veine plus Hardcore, des morceaux sinueux rappelant parfois le meilleur d'Unsane. Une discographie dense, une musique frontale qui ne prend pas une ride. Satisfait ?

Attention, mon préféré pour la fin : Portobello Bones. Ce groupe de Tours ayant splitté en 2002 nous laisse de quoi se gaver de son pour un moment, six albums et autant de EPs. Des paroles politisées et une musique frontale, là aussi influencée par le Hardcore, le tout loin des clichés. Une ribambelle de morceaux géniaux et une richesse musicale indéniable font de ce groupe une référence. Passionnant !

Ceci n'est bien sûr qu'un minuscule aperçu, jetez aussi une oreille à Condense, Heliogabale ou Ulan Bator. Vous aurez là une idée de la richesse incroyable de ces années qui nourrissent une scène indé française qui est aujourd'hui géniale et variée. Une scène également marquée par un esprit d'indépendance et une liberté de création sans compromis, d'autant plus remarquable dans un pays comme le notre qui n'est franchement pas la terre promise en matière de Rock.

"La musique c'est du bruit qui pense." Victor Hugo.

Creuse une citrouille et sois cannibale !

12 octobre 2013

Les Beaux gosses

    Il était une fois quatre garçons promis à un grand avenir, ils étaient beaux, ils étaient riches et... Non, je déconne. Aujourd'hui, nous parlerons des Descendents, le groupe sans qui tu n'aurais pas pu avoir l'air cool avec des lunettes rectangulaires et sans qui, également, le mot hardcore mélodique ne voudrait rien dire.

As-tu, petit nerd, déjà rêvé que les filles t'adoraient pour ton QI et non tes muscles ? Pour ta culture et non pour ta gueule ? As-tu déjà fantasmé, devant le miroir, être sur une scène pour parler de tes amours impossibles alors que derrière toi, trois mecs talentueux à mourir jouent une musique fun et puissante ? Sois rassuré, tes fantasmes sont réalisables, un mec les as tous déjà vécu. Il s'appelle Milo Aukerman.

Une guitare et deux ou trois accords, des mélodiques faciles à retenir mais faisant montre d'un talent de composition foufou, une section rythmique qui fait oublier le cliché qui dit que les punks ne savent pas jouer (Bill Stevenson, je t'aime). Et par dessus tout ça, la voix de Milo, le porte-parole de ceux qui se font péter la gueule à la récré, de ceux que les filles ne regardent pas, un mec simple qui écrit des textes universels et un peu idiots. Mais au-delà de ça, il y a quelques textes de chansons qui font parties du panthéon du punk ricain : "Hope", "I'm not a punk", "Statue of liberty", "Suburban home", "Marriage". Tous ceux-là sont sur le premier album, un disque en forme de tables de la lois, une des bibles du punk. Tout simplement.

En intégrant une dimension fun et sans prise de tête à l'univers du Hardcore, les Descendents ne savaient certainement pas qu'ils ouvraient une boite de pandore d'où aller sortir le meilleur comme le pire du punk des trois dernières décennies. Ils font parties des quelques noms, comme Black Flag, Minor Threat ou Bad Brains, qui ont marqué le genre en lui imposant une vision originale. Tout cela sans jamais se défaire d'une certaine éthique, d'une farouche indépendance et du côté frontal que cette musique devrait toujours avoir.

Je crois que chaque personne ayant écouté les Descendents au moins une fois dans sa vie s'en souvient. Elle se souvient d'avoir entendu une chose modestement magique, le son de quatre mecs sans style ou tatouage, réunis pour faire une musique honnête et fun, sans prétention mais toujours pertinente et forte. Ça fait trente ans que ça dure, sans jamais renier d'un iota une formule qui a depuis largement fait école. Les Descendents sont des précurseurs, des sortes de prophètes d'une certaine conception de ce qu'on pourrait appeler le "fun conscient". Non, j'déconne, c'est des losers.


"My day will come, I know someday I'll be the only one."

 Tu peux continuer d'être un loser, mais alors fait ça bien !

9 septembre 2013

Interview de Julien, Gérant du label Echo Canyon

-Peux-tu te présenter et expliquer ce qu'est Echo Canyon ? (création, fonctionnement, financement, etc ?)

Salut ! je m'appelle Julien et je m'occupe d'Echo Canyon qui est un petit label lyonnais sans prétention et beaucoup de passion ! On a commencé fin 2007 avec la sortie du split entre Daïtro et Sed Non Satiata... On a fait la version CD. Je dis "on" car mon pote Gwen me filait un coup de main avant de me laisser définitivement les rênes il y a quelques temps. Des labels devaient faire ce CD, puis ça ne s'est pas fait et finalement on l'a fait nous même... ça a commencé un peu par accident. Au niveau du fonctionnement, je m'occupe du pressage, parfois des artworks, de la distribution dans les magasins en France et mailorders un peu partout. J'envoie quelques disques en promo de temps en temps aussi... Niveau du financement, je suis satisfait car le label s'autosuffit de plus en plus. Ça m'arrive de mettre une centaine d'euros de ma poche par ci par là de temps en temps mais la plupart vient des sorties elles-mêmes ou des quelques échanges que je fais et que je vends sur Discogs.

-Comment décides-tu de sortir un disque ou non ? Quels sont les critères de sélections ?

Le critère le plus important est que j'ai déjà rencontré les gens et d'avoir cette impression d'avoir des choses en commun. Je fais des disques qu'avec les gens que je connais bien... pas par méfiance, mais juste par plaisir... En plus, j'ai plein de potes qui jouent dans de supers groupes donc c'est vraiment idéal ! Parfois ils me font part de leur projet et je leur dis que je suis chaud pour le faire, ou alors je propose directement de faire un disque... ça dépend du contexte... La musique est bien sûr importante mais ce n'est pas le critère principal, c'est surtout une histoire d'affect... Idem pour les labels avec qui je co-produis les disques, c'est un peu le même processus. Je demande souvent l'avis de Gwen aussi... J'aime bien avoir son aval !

-Qu'est-ce que cela représente pour toi de sortir des disques DIY en 2013 ?

Bof franchement pas grand chose... Tout et rien à la fois... Je n'ai jamais fonctionné autrement qu'en Do It Yourself par choix certes, mais surtout par défaut car personne n'est encore venu toquer à ma porte pour faire de la grosse promo pour le label ou distribuer les disques à une plus grande échelle. Donc ce serait trop facile de faire des grandes tirades sachant que c'est le seul choix que j'ai ! Et qui me convient très bien comme ça aussi de toute façon...

-Quel est ton point de vue sur la "crise du disque" et penses-tu qu'elle puisse être un moteur créatif ?

Non, pas spécialement... La "crise du disque" n'empêche pas de produire de la musique car plein de groupes savent désormais enregistrer et faire circuler leur musique tous seuls grâce à Internet. Il y a des gros labels indés qui doivent en souffrir certes, mais bon... C'est dans un sens au moins bien fait pour les grosses majors qui s'en sont mis plein les poches pendant des années. Cette crise est de toute façon liée à des changements dans les habitudes des gens avec internet qui va au delà de la diffusion / production / écoute de la musique. Mais attends, tu sais quoi ? Je m'en fiche complètement de tout ça en fait, de cette crise du disque et tout... A mon échelle, c'est quelque chose qui ne me concerne pas vraiment à vrai dire... ni en tant que label et encore moins en tant que "consommateur" / collectionneur de disques ou amateur de concerts de petits groupes dans des petits rades !

-Quelles sont les dernières et futures sorties du label ?

Il y a eu pas mal de sorties ces derniers mois dont je suis vraiment content. Le LP d'Abject Object est une pure merveille de punk rock assez original, sans aucun cadre, libre de toute formule. J'adore ce groupe que je trouve malheureusement sous estimé... Les 2 LP de Sed Non Satiata aussi sont arrivés en juillet... le nouveau, Mappo ainsi que le repressage de vieux morceaux sur un autre LP. Les disques sont hyper beaux, en plus d'être mortels, et les retours sont bons aussi, du coup c'est parfait. Sed Non Satiata sont des amis depuis très longtemps, c'est très particulier de faire des disques avec eux. Ensuite, j'ai le 12" de Torino qui arrive dans les prochaines semaines ainsi qu'un 7" de Koenigstein Youth... Torino est le nouveau groupe de mes potes Gwen (de Baton Rouge, 12XU et Daïtro), Rog (Who Needs Maps, HK) et Felix (KenPark, TakeWarning). C'est un 12" avec 6 morceaux de punkrock mélodique un peu à la The Bomb, Pegboy ou encore Naked Raygun. Hyper prometteur pour un premier disque, ils m'ont vraiment impressionné... Koenigstein Youth est un groupe de hardcore rapide et super efficace de St Étienne... C'est une grosse coprod à plein de labels. Et aussi un 7" de VeuveSS qui est en préparation, avec des nouveaux morceaux toujours bien crados, malsains, dans la lignée du 12" sorti l'an dernier qui m'avait bien impressionné... J'ai hâte d'envoyer ça au pressage aussi car on va faire un bel objet. Enfin dans le futur, il devrait y avoir un nouveau disque de Sed Non Satiata, une cassette de Old Junior qui compile leurs demos (c'est le nouveau nom d'Old Growth) et puis d'autres projets qui ne sont pas encore assez aboutis ou suffisamment décidés pour en parler encore !

-Tes groupes coups de cœur du moment ?

En ce moment, j'ai un gros coup de cœur sur un groupe de Saint Étienne qui s'appelle Zero Gain. C'est purement excellent et le disque vient de se décider. C'est aussi un truc à la TheBomb, Pegboy hyper mélodique, ce truc me rend dingue... Il y a des gens qui ont joué dans Boxing Elena et Take Warning entre autre. Je scotche bien sur le dernier LP de Shannon Wright et de Ten Volt Shock ainsi que celui de Moms On Meth... Sinon, j'ai récemment reçu un gros paquet de disques de mon copain Will d'Ampere qui m'a envoyé les derniers trucs de Vaccine, les démos de ses autres groupes (Longings, Won't Belong, No Faith) ainsi que les derniers trucs sur son label Clean Plate. Cet été, j'ai écouté aussi des trucs comme les Dogs, un vieux groupe punk de Rouen fin 70s-début 80, ainsi que du rockabilly bien sauvage comme Charlie Feathers et Johnny Burnette... J'ai aussi chopé une excellente compile de Hank Williams, précurseur du rockabilly justement et légende de la country... Et puis aussi 13th Floor Elevator... Neil Young... Captain Beefheart... Voilà à peu près ma bande son de cet été.

-Pour finir, quels sont les projets à venir avec tes différents groupes ?

Je n'ai plus qu'un seul groupe actif qui s'appelle Baton Rouge. On a plein de morceaux en chantier qu'on est en train de finir / retoucher / modifier / adapter pour un nouvel LP qu'on enregistrera en février. Ça sortira sur Purepainsugar ici en Europe.

Un grand merci à Julien pour avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.

14 août 2013

La Maison aux esprits

Une fois n'est pas coutume, je ne parlerai pas d'un genre, d'un groupe ou d'un album. Il ne sera question aujourd'hui que d'une chanson, mais quelle chanson ! "J'ai peur de nous", extraite d'un petit bout de vinyle qui est la dernière sortie de Michel Cloup.

N'avez-vous jamais eu envie d'habiter dans un morceau que vous adorez ? L'impression que ce n'est pas suffisant de l'écouter, qu'il faudrait presque pouvoir rentrer en lui pour y passer du temps, beaucoup de temps. Cette chanson est de cette catégorie, il n'y aurait même pas besoin de refaire la peinture pour pouvoir s'y sentir chez soi. Tout est à sa place, ce n'est pas comme à la maison, c'est comme on voudrait que la maison soit.

Ce n'est pas seulement une bonne chanson, c'est la chanson qu'on attend pendant un moment et quand elle arrive, c'est inespéré. Presque 6 minutes, de la guitare, une batterie et la voix de Michel Cloup qui porte un texte rugueux qui parle d'une chose que l'on connait tous. Jusque-là, rien qui ne sorte trop de l'ordinaire, mais il suffit d'écouter pour savoir qu'il se passe quelque-chose en plus. Dès le début, ce riff pesant, qui traine sur chaque coup de caisse claire. Puis une deuxième guitare vient broder crânement là-dessus et la voix débarque enfin. Une voix chaude, fatiguée mais pourtant si captivante.

Il n'est pas nécessaire ici de faire une explication de texte, le simple fait d'écrire un article entier sur une chanson est déjà pas mal, il ne faut pas en faire trop. Disons simplement que comme sur le précédent disque, on est étonné par le côté si intime et pourtant totalement universel de ce qui nous est raconté. Et fatalement bluffé par le simple fait qu'il nous soit dit tant de choses en si peu de mots. Du talent et de l'expérience (celle-ci était facile) ? Assurément.

Il y a ensuite des petites choses qu'on ne peut pas décrire, une ambiance générale, une atmosphère ou simplement un bout de phrase, et qui font tout ce qu'il reste à faire pour qu'on veuille l'écouter encore et encore. C'est cela qu'on appelle d'un gros mot, on dit un "Single". Et alors il apparait normal que le titre paraisse sur un 7". La maison est vaste, il n'y a pas de piscine ou de fioriture tape-à-l’œil. En la voyant de loin, elle n'est pas si différente des autres et pourtant quand on y entre, on y est tout de suite chez soi. On s'y voit déjà avec ses amis, on a envie de leur parler, de les inviter à venir y boire un verre. "Tu viens écouter le dernier Michel Cloup à la maison ?".

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11 août 2013

Incendie

Il n'était pas une fois le rap français... Il sera cinq fois le rap en français. En effet le post d'aujourd'hui parlera de cinq groupes de rap qui n'ont pour seul point commun que de chanter dans la langue de l'hexagone. Celui des banlieues, du racisme, des voitures qui brûlent mais aussi là où il est peut-être possible de jeter des ponts entre les gens, les cultures et les peuples.

Commençons par le plus ancien, Assassin. Un OVNI culturel dans le monde du Hip-hop, Rockin Squat, son leader, étant le fils de l'acteur Jean-Pierre Cassel, pas exactement un prolo de la banlieue nord. Et pourtant, Assassin a été le premier groupe en France à militer pour un rap conscient, évoluant loin des sphères des majors et des grosses radios. En deux LP et une ribambelle de maxis, le groupe a su écrire une des principales pages du rap en français. Il a su imposer, sur des instrumentaux généralement assez classiques, des textes riches, très référencés, évitant de tomber dans les clichés du sexisme et l'imagerie de la violence gratuite. Aujourd'hui, Rockin Squat continue en solo, sans réel changement. Albums clés : Le futur, que nous réserve-t-il ? , Touche d'espoir. 

La Rumeur est un des acteurs les plus extrêmes du rap de France. Cultivée, sans concession, intellectualisant de manière viscérale la violence latente de la vie de banlieue, La Rumeur est le parangon du rap conscient. Elle est l'expression des tensions et du mal de vivre poussée à son paroxysme. Album clé : Du Cœur à l'outrage.


En un seul album, Des Maux s'insèrent, La Calcine a réussi à marquer grâce à des instrumentaux riches, variés et métissés mais aussi et surtout par l'alternance de plusieurs voix fortes et originales. La grande musicalité de l'ensemble étonne pour un premier album, on ne s'ennuie jamais à l'écoute de ces treize morceaux toujours très bien écrits, parfois drôles et souvent poignants.

Le petit jeune de la sélection : La Canaille. En deux albums, le MC s'impose par des textes forts, tranchants et terriblement bien écrits. Comme si cela ne suffisait pas, ceux que le côté synthétique des instrumentaux rebute seront forcément contents d'entendre qu'il y a des instruments derrière. N'hésitant pas à faire appel à des riffs de guitare ultra saturés, à une batterie au son très acoustique ou à des samples de musique nord africaine, La Canaille passionne. Par son discours ouvert et intelligent, la variété des sujets abordés et la sobriété de son flow, La Canaille convainc facilement pour ne plus vous lâcher. Album clé : Par Temps de rage.

Mon préféré pour la fin. Kabal mériterait un article pour lui tout seul, ou même un blog entier, pour faire l’exégèse de la richesse extrême de ses textes, pour donner l'occasion de voir et de comprendre l'impact que peut avoir cette musique,. L'incroyable originalité de ses instrumentaux couplée à des textes impossibles à comparer avec la majorité du rap de France, la puissance de frappe des voix de Djamal et D', leur flow acide et sombre sont autant d'éléments qui en font un groupe à part. Kabal marque au fer rouge celui qui se penche avec attention sur sa poignée de disques. Un groupe clé. Si vous n'aimez pas le rap, mettez de côté vos a priori et écoutez Kabal, une réelle porte d'entrée vers un Hip-hop autre. Sans Kabal, jamais je n'aurai pu écrire un post sur le rap français. Albums Clés : La Conscience s'élève, États d'âmes, Split avec Lofofora.


"Du recul sur l'histoire, sur l'ébène sur l'ivoire, du crépuscule naît l'aube d'un espoir, alors change ton regard." "La conscience s'élève" Kabal.

Élève ta conscience et sois cannibale !

27 juillet 2013

L'Humanité

 Après la fin de Diabologum, Arnaud Michniak parti tenter l'expérimentation sous l'avatar Programme. Lorsque sort Mon Cerveau dans la bouche en 2000, rien ne ressemble plus à Diabologum, il ne reste que cette voix hautaine et ce débit entre Spoken Word et flow Hip-hop. L'accompagnement musical n'a plus rien de rock même si des guitares stridentes et répétitives jalonnent la plupart des titres.

Il sont rares les musiciens français à chanter dans la langue d'ici, à s'accompagner d'une musique hybride entre rap, indus et rock ultra bruitiste et à oser aller si loin dans la direction qu'ils s'imposent. Il n'y a en réalité que Programme. Sur chacun des trois albums, tout va plus loin que partout ailleurs mais ce qui perturbe le plus dès les premières écoutes, ce n'est pas tant l'absence quasi totale de mélodie que le cynisme et le nihilisme des textes de Michniak. Ici, il y a de la douleur, du dégout et de la colère mais rarement du renoncement, le but finalement toujours présent étant de pouvoir rester en vie, coute que coute.

Malgré cela et sur chaque album, il est difficile de tenir du début à la fin tant tout ici est noir, perdu d'avance et sans solution. Chaque texte est un constat déclamé haut et fort pour dire qu'il ne sert à rien d'essayer si ce n'est pour l'avoir fait, que l'issu n'est jamais là même quand on a cru l'apercevoir au loin. Sur la totalité des morceaux des trois disques, pas un seul n'apporte de lumière ou de touche d'espoir. La seul porte de sortie parfois évoquée est l'idéalisme, une chose à laquelle on s'accroche malgré tout, mais qui apparait souvent aussi veine que le reste.

L'écoute de n'importe lequel de ces albums dans son intégralité est un parcours du combattant, il n'y a pour ainsi dire jamais aucun relâchement, si ce n'est quand au détours d'un interlude une mélodie lointaine et répétitive tente de se faire une place. Mais très vite la voix revient et recommence sa litanie noire sans que l'on n'ait eu le temps de souffler. Programme nous met vite KO. Et pourtant, dès le disque fini on voudra le mettre encore, en écouter un deuxième, se souvenir d'une phrase obsédante ou d'un passage musical marquant. Et on devra souffrir encore, être face à soi-même et en prendre plein la gueule. Pourquoi ? Parce qu'on aime ça et que Programme sait rendre l'horreur du quotidien et des choses non pas supportable mais indispensable à exprimer. Une preuve définitive d'un grand talent.

Travaille, consomme et meurs mais, entre temps, sois cannibale.

26 juillet 2013

Les égarés

Parlons aujourd'hui d'un groupe unique par bien des aspects : Codeine. Dans la première moitié des années 90 et en deux LP, ce groupe transforme la planète rock indé sans que la masse ne s'en émeuve outre mesure. Vous comprendrez aisément que le quidam avait d'autres chats à fouetter, Nirvana en tête.

Jamais auparavant le Rock n'avait été si lent, si triste et si beau. L'épure ici est totale et cette musique est pourtant d'une richesse et d'une profondeur émotionnelle peu commune. Ceux qui perdent leur temps, et aussi le notre, à poser des étiquettes sur le son ont appelé ça du SlowCore. Ben voyons. Le souci avec les étiquettes, c'est que sous la même appellation on trouvait aussi Low, groupe génial également mais n'ayant pas grand-chose à voir avec Codeine.

Car Codeine ne ressemble qu'à lui-même et possède l'art de mettre la détresse affective et la tristesse en sons et en ambiances, cela parfois avec une violence contenue mais que l'on sent prête à tout dévaster. Ce que sa musique n'exprime qu'en filigranes nous apparait alors comme plus vrai, comme si c'était la pudeur qui retenait tout cela. Comme lorsqu'on n'ose dire le mal-être qu'à demi-mots. Là réside toute la force du groupe, dans son honnêteté jamais démonstrative mais simplement nécessaire. On sent qu'il n'y a rien d'autre à faire que de la musique pour pouvoir évacuer ce dont nous parle le groupe.

Il ne nous reste alors qu'à nous laisser porter par cette lenteur tour à tour rassurante ou pesante, qu'à nous plonger dans ces ambiances si sombres et qui nous attirent pourtant par leur beauté presque lumineuse. Car cette musique nous parle à tous, en exprimant des sentiments et des sensations violentes, elle finit par gagner un côté universel. Il ne faut surtout pas avoir peur de ce qu'elle peut nous faire, on en sortira de toute façon grandi, avec la sensation de mieux nous connaitre nous-même. Et quand la musique sait faire cela, on se souvient de pourquoi on en écoute.

"Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse." Françoise Sagan

Sois triste ou sois cannibale

25 juillet 2013

Le Crime était presque parfait

 Ma trop longue absence appelle des explications... Si je vous disais que j'étais occupé à écouter du Black Metal, ça irait ? Franchement, quelle meilleure excuse pourrais-je donner à ce manque de post ? La découverte forte et profonde d'un genre, que je n'avais jusque-là fait qu'effleurer, m'a demandé une sorte de petite prise de recul. Il fallait simplement que j'appréhende la nouveauté de cet univers si étrange et complexe pour pouvoir en parler et réussir à dire le retentissement, l'impact et, osons le dire (ici on ose toujours tout), le bouleversement que cette musique représente pour moi au moment où j'écris.

La psychothérapie est finie, parlons de ce qui a du sens, parlons de Blut Aus Nord. Le BM de ce groupe si particulier est un hommage aux maitres nordiques du genre autant qu'une fuite en avant vers une expérimentation de tous les instants, il est nihiliste et glacial mais sait aussi se faire rassurant et mélodique. Il est en définitive cynique et érudit à l'extrême mais cette érudition n'est qu'une preuve supplémentaire de sa malveillance. Quand il ne reste plus rien à faire que produire une musique violente et habitée, quand le reste n'est qu'un mensonge ou bien que c'est ce qu'on cherche à faire croire, il n'y a plus de limite à s'imposer.

Des boites à rythmes, des guitares stridentes et des vocaux décharnés sont les principaux outils de son langage. Avec eux, il construit un miroir dans lequel le monde peut se regarder mourir, en étant tel qu'il a toujours été : narcissique et vain. Que l'habillage graphique de chacun des albums du groupe soit minimaliste ou fourmillant de détails et de symboles, au fond peu importe. Le message ne sera pas entendu, il n'existe certainement même pas pour cela, il est auto-suffisant. 

Blut Aus Nord est certainement plus qu'un simple groupe de Black Metal, il est un projet musical sans frontière stylistique, il est une théorisation d'un état d'esprit intransigeant et grandiloquent. Il est le Black Metal car il sait ne pas se contenter de n'être que cela. Il brouille les pistes, se cache, expose pour mieux déconstruire par la suite, lui seul sachant où il va. Quelque-soit la direction qu'il choisira de prendre, elle sera toujours passionnante car elle ne sera le reflet que de son seul souhait.

 "L'enfer a été fait pour les curieux." Saint Augustin.

Brûle au soleil ou sois cannibale.

19 juin 2013

L'Odyssée de la poisse

Nous sommes en 1996, ta sœur est fan de Big'n, un groupe du fond de l'Illinois. Elle sort avec un gros barbu, il boit beaucoup mais il est gentil quand-même. Leur romance est belle comme une telecaster dont les cordes sont bouffées par la rouille, ensemble ils écoutent en boucle Discipline Through Sound.

Il gagne sa vie en vendant des T-shirts qu'il sérigraphie lui-même, elle bosse avec les enfants. Le Weekend, ils montent à la ville la plus proche pour voir jouer Jesus Lizard, Portobello Bones ou Ulan Bator dans des lieux autogérés. Ils n'ont pas forcément de grandes aspirations ou de magnifiques rêves utopiques qu'ils souhaiteraient voir se réaliser. La vie n'a pas besoin qu'on la rêve, elle est là, partout autour d'eux.

Fin du rêve. Nous sommes en 1996, ta sœur est fan de The Offspring. Son mec est un gros beauf avec les cheveux décolorés, ils mangent au mcdo chaque samedi soir puis regardent la télé. Ou peut-être est-ce la télé qui les regarde ? Quelle différence ? Ils n'ont pas d'autres rêves que de devenir différents de leurs parents, ils seront pires. Ils sont la première génération à avoir accès à tout, à pouvoir se réaliser comme jamais auparavant. Ils ne feront rien à part ce que fait tout le monde. Ils écouteront la même musique, verront les mêmes films, auront les mêmes idées sur les mêmes sujets.

C'est cela Big'n. Cela n'a pas de sens, n'est pas carré, ne tourne pas rond. Beaucoup pensent que c'est du bruit, c'est en fait un miroir qui, en transformant la réalité en musique, la rend excitante. Pas plus vivable mais tellement outrageante, violente et chaotique qu'elle est comme ces films où tout peut arriver car rien n'est vrai. Big'n est comme les autres : du chant, des guitares et une batterie mais passé cela, il ne ressemble qu'à lui-même. Il n'est pas là pour l'argent, il est là pour cogner dur.

Big'n s'écoute fort pour mieux pouvoir avaler les cerveaux des inconscients qui croisent son chemin. Il n'a rien à t'apprendre, il n'expose pas de moral à la fin de son histoire ou alors simplement t'inculque qu'il n'y en a jamais eu. Qu'il n'y en aura jamais. Il ose même reprendre ACDC, c'est dire.

 "La réalité, qui est le plus puissant des hallucinogènes." Emile Ajar.

Reprends une dose, sois cannibale !

17 juin 2013

Un Héros très discret

Il y a quelques années, la rumeur courue sur internet que Ian McKaye était décédé. Fort heureusement, il n'en était rien. En 2013, ait sorti le premier album sur lequel il apparait depuis des années et dont nous vous avons déjà parlé ici. L'homme est également à l'origine d'une petite dizaine de groupes, d'un label, d'un studio d'enregistrement et de l'éthique de vie straight edge, rien que ça. Après plus de trente ans de passion(s) au service de la musique, il est un des derniers garants de l'humilité et du message porté par le HXC des origines. Morceaux choisis.

En 1980, McKaye et une bande de potes de Washington forment l'éphémère Teen Idles. En un EP, ils participent à la création d'un genre, le Hard Core. Le groupe se sépare rapidement et Ian et le batteur partent former Minor Threat. Ce dernier est actif jusqu'en 85 et enregistre quatre EP, aujourd'hui considérés comme les fondamentaux d'un style de HXC rapide et sans concession. Les textes parlent du quotidien dans les banlieues : les rixes avec la police, la violence et la frustration. Dans le morceau "Straight Edge", McKaye expose son point de vue face aux drogues et à l'alcool. Il sera à l'origine d'un mouvement aujourd'hui répandu dans le monde entier. La totalité des enregistrements du groupe est sorti sur une intégrale en 1989.

En 1985, beaucoup d'acteurs de la scène HXC de Washington ne se reconnaissent plus dans la violence qui règne lors des concerts. Ils décident de mettre fin à leurs groupes respectifs et se mélangent pour en former de nouveaux. McKaye et trois anciens membres de Faith créent alors Embrace. Le tempo ralentit, la musique se fait plus construite et mélodique mais la dureté et le refus de toutes concessions sont toujours là. Embrace enregistre un unique LP, considéré aujourd'hui comme un des albums à la base de l'Emo et se sépare à son tour.

Deux ans plus tard, le chanteur est rejoint par Al Jourgensen et plusieurs membres de Ministry avec lesquels il crée Pailhead. Le groupe enregistre quatre EP et se sépare l'année suivante. Musicalement, il demeure le crossover parfait entre l'Indus et le HXC. Il est assez surprenant de penser que McKaye, farouchement anti drogues, se soit joint à Jourgensen, encore connu aujourd'hui pour ses excès divers.

Après Pailhead, il s'associe à plusieurs figures de la scène de DC, dont deux anciens membres de Rites of Spring, pour former Fugazi, qui allait devenir son groupe le plus important, tant par sa durée de vie et la richesse de sa discographie que pour l'impact énorme qu'il allait avoir sur la scène internationale. Celui-ci sort 6 albums et une poignée de EP qui sont, aujourd'hui, tous considérés comme des incontournables des musiques indés américaines. De l'approche mélodique hors du commun à la force des textes et du refus du statue de rock-star à l'intégrité tant musicale que contextuelle, Fugazi reste un groupe à part, un exemple de refus des compromis. La preuve qu'un groupe peut durer sans céder aux sirènes du succès ou arrondir les angles. Le groupe n'a rien sorti depuis 2001 mais le label Dischord ( crée par McKaye) a crée un site sur lequel on trouvera, à terme, les enregistrements de la totalités de ses concerts.

Depuis la fin (provisoire ?) de Fugazi, McKaye s'occupe principalement de la gestion de Dischord et n'a sorti que trois albums avec The Evens, duo crée avec sa femme Amy Farina. L'aspect familial et sans prétention du projet n'enlève rien à la grâce qui se dégage des morceaux du groupe, preuve supplémentaire de l'incroyable talent du monsieur.

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait." Mark Twain.

Si le silence t'ennuie, sois cannibale !

14 juin 2013

Baise-moi

Si tu crois que le bon Rock chanté en français se limite à Noir Désir, cet article est là pour corriger cette erreur en faisant l'éloge -totalement subjectif, malhonnête et exagéré (tu sais où tu es)- d'un trio qui cassait trois pattes à un canard et qui avait un nom à la féminité sulfureuse : Virago.

Nous sommes en 1997 quand sort le premier EP des trois de Grenoble, suivront deux longs formats : Introvertu en 98 et Premier jour, deux ans plus tard. La droite règne, le chômage nargue et leur musique n'est pas une déclaration d'amour à l'humanité, au consensus et à la rime riche. Ici, la guitare est répétitive et sale, la section rythmique fracturée et la voix monocorde et blasée vous déclame de sales histoires d'amours avortés et emplies de cynisme.

"Elle me dit que tout va mal. C'est la vie, c'est pas tous les jours rose. Elle me dit "c'est viscérale, je n'arrive plus à croire, avaler quelque-chose"." Tout va pour le mieux, 97.

Ici, les textes ne sont jamais engagés ou moralisateurs, ils ne sont qu'un constat de ce qu'il reste après, quand tout est déjà perdu. Quand il faut essayer de continuer lorsque plus rien n'a de sens. Le cynisme règne alors, puisqu'il faut aller de l'avant en faisant abstraction de tout ce qui est négatif. Virago savait mettre cet état de fait en mots et en musiques comme personne, et le faisait avec rage et quelque-chose qui ressemble à l’énergie du désespoir. Une énergie finalement positive. Saine.

Après la disparition du groupe en 2000, la place qu'il laissa dans le paysage rock français allait rester désespérément vide jusqu'à aujourd'hui. La force de chansons comme "Ouvre-moi" symbolise bien l'aspect crû d'un groupe dont la musique garde une place à part dans la petite histoire des sons indés de chez nous.


"Au début, on croit mourir à chaque blessure. On met un point d'honneur à souffrir tout son soûl. Et puis on s'habitue à endurer n'importe quoi et à survivre à tout prix." Baise-moi. Virginie Despentes. 

 "En pays cannibale, le cannibalisme est moral." Samuel Butler.

13 juin 2013

La Joie de vivre

 Nous sommes en 1994 dans cette bonne vieille Amérique du nord, quatre garçons vont former un groupe qui allait devenir un des maitres étalons de l'Emo moderne. Ce groupe s'appelle Texas Is The Reason et véhicule une aura jamais discutée parmi les coreux.

En seulement un LP et une poignée de EP, ce groupe a posé les jalons d'un style alors florissant qu'on appellerait par la suite Post-Hardcore. Transfuges de formations Hardcore telles que Shelter ou 108 (ah le Krishna-Core), ils n'étaient, bien sûr, pas nés de la dernière pluie acide. Mais l'incroyable cohésion et la justesse musicale que dégage le groupe dès son premier album sont soit de l'ordre du miracle (ahem,) soit découlent de deux petites choses chères au Hardcore : L'humilité et l'intégrité.

L'air de rien et avec une décontraction folle, ces quatre types ont marqué l'histoire de la musique indé d'une manière aussi forte et durable que leur groupe fût de courte durée, pour ne pas dire éphémère. Il suffit d'écouter un seul titre de leur répertoire (récemment réédité en intégrale sur un seul CD), pour rapidement se rendre compte qu'il se passe ici une chose unique et rare, qui tient autant de la musicalité que de l'émotion intense. Dans chaque note, on sent les sentiments qui en sont à l'origine, la force d'un message parfois engagé ou introspectif, l'honnêteté d'une bande de mecs qui parlent simplement de ce qui les touchent et qui ont la chance de faire partager la musique qui leur plait.

Le groupe se sépare en 1997. C'était il y a un moment et pourtant, cette musique n'a, non seulement pas pris une ride, mais garde une fraîcheur incroyable, elle est ironiquement bien plus actuelle que la bouillie servie par beaucoup de ceux qui, par la suite, se sont réclamés de l'Emo. Pas la peine de citer des noms, chacun les connait forcément, cet endroit n'est pas de ceux où l'on critique par paresse.

Si pour vous, l'Emo n'est qu'un festival de larmes grasses, servit par des mécheux maquillés de noir et fins businessmen, une musique calibrée pour les ados, facile et sans saveur, alors écoutez Texas Is The Reason très fort en regardant le soleil briller (essayez au moins d'y croire).

Cela faisait un moment que je n'avais pas posté, ta vie perdait tout son sens et tu t'habillais en épouvantail, passant ta journée devant MTV ou à lire Rock n'Folk (oui, à ce point-là)... Reprends espoir, la période creuse est finie ! Sois Cannibale !

16 mai 2013

De battre mon coeur s'est arrêté

Il y a parfois des événements qui, quand ils se produisent, vous transforment pour longtemps. Voir Deafheaven en concert a été pour moi comme une catharsis saine et nécessaire. Leur premier LP Roads to Judah continue à bercer mes égarements nocturnes vers un monde fait de bruits et de sensations.

Ça faisait bien longtemps qu'un disque classifié Black Metal ne m'avait autant retourné l'esprit et les sens. Je ne me souviens plus m'avoir senti bluffé de cette façon par la violence d'un groupe sur scène. Certainement parce que celle déployée par ces musiciens n'est jamais gratuite ou lâchement provocante. Non, ce que j'ai vu sur la scène de la Flèche d'or, en cette soirée d'un dimanche soir pourtant comme les autres, était porteur d'une atmosphère si positive, d'un déchainement si salvateur que j'en porte encore la trace. Comme d'avoir vécu quelque-chose de beau, ressenti une présence qui fait du bien. La présence d'un talent musical d'une intensité rare, assurément.

La violence n'est pas ici présente pour faire peur aux cons (même si cela marche certainement) mais porte en elle une libération, une sorte d'expiation d'une frustration, d'un malaise émotionnel face à la dureté de notre environnement. Écouter cette musique sur disque est une chose certes agréable et prenante, mais voir ces cinq types au look de hipsters donner forme à ce magma est d'une toute autre nature. C'est une décharge de plaisir brut, comme une aide pour laisser les difficultés et les angoisses sur le carreau. C'est une victoire face à ce qu'on a du mal à dépasser.

Quand la musique sait faire ça, on se souvient de son importance et de sa grandeur. Et lorsque c'est exécuté avec l'humilité dont semble faire preuve Deafheaven, on ne peut qu'adhérer. Tout au long du concert et entre chaque morceau, le chanteur ne cesse de dire merci, de montrer sa gratitude. Il est aussi plaisant de voir les sourires inscrits tout au long du set sur les lèvres des musiciens autour de lui, de sentir leur plaisir de jouer.

Le nouvel album du groupe se nomme Sunbather et verra le jour courant juin. Soyez curieux !

"Au commencement était l'émotion."
L-F Céline

En attendant un hypothétique paradis, fais ta prière et sois cannibale !

30 avril 2013

La mort aux trousses

Une fois n'est pas coutume, je vais vous parler d'un disque que je suis en train d'écouter, en ce moment même, pour la première fois. J'avais effleuré le sujet dans un précèdent post mais voici le moment d'affronter la bête. Le nouveau Clutch est là, il s'appelle Earth Rocker et je ne ferai pas plus durer le suspense : ce disque est génial !

Dès le premier titre, "Earth rocker", on plonge dans un truc tellement gros, groovy et fun qu'il est difficile d'y croire. Il suffit d'une seule écoute pour que ce morceau devienne instantanément votre chanson préférée des quelques premiers mois de 2013. En l'écoutant très fort au casque dans les rues de ma banlieue favorite, je me suis senti immortel et cool, je glissais sur le bitume tel un monstre mécanique sur un circuit de Grand Prix. Tout ici bluffe par sa concision, son sens du rythme parfait et ses riffs qui font mouche. Puis ce refrain si simple et si excitant... Et ce n'est que le premier titre !

On continue comme ça jusqu'au 4e titre, "D.C sound attack!", quand dès le début on se prend dans la gueule cette petite phrase d'harmonica. Je ne saurais décrire tout ce que m'inspire ce titre qui, musicalement, respire le cool. Et quand à mi-chemin débute ce magnifique pont super épuré à base de cloches et de riffs diaboliques, on n'est vraiment pas loin de l'orgasme pure et simple. Comble du bonheur, le texte est un hommage à la scène Hardcore de Washington sans qui, faut-il le rappeler, nous n'écouterions pas la moitié des bons trucs indés sortis des USA depuis 25 ans. Claque !

"Unto the breach" enfonce toujours le clou avec sa rythmique en forme de massue pour finir de convaincre ceux qui ont les oreilles trop sales. Ça va très vite, en trois minutes et demi ça vous explique qui sont les patrons quand on parle de stoner rock simple et efficace. Il faut préciser que la simplicité n'est jamais là comme une marque d'un truc fait à la va-vite mais est plutôt une façon d'aller à l'essentiel. Rien ne semble jamais bâclé mais simplement construit pour directement faire effet. Et si cela marche si bien, si l'effet est si saisissant, n'est-ce pas la preuve du grand talent d'écriture qui jalonne ce LP ?

On arrive à la moitié de l'entrecôte et quoi de mieux pour faire une pause qu'un titre plus posé ? "Gone cold" est la ballade qui arrive à point nommé. Je vous rassure, rien de sirupeux à l'horizon mais seulement un titre calme, aux parties de guitares clin d’œil à la country. Une réussite ! Les cinq derniers morceaux ont aussi de quoi vous plaquer à vos enceintes, particulièrement "Book, saddle & go" et sa musique de reptile en chasse. Les trois quarts d'heure de rêve touchent alors à leur fin sans qu'on n'ait pu s'ennuyer ne serait-ce qu'une seconde tant le disque se fait varié, concis et réussi de bout en bout.

 "L'assommant primitivisme rythmique du Rock : le battement du cœur est amplifié pour que l'homme n'oublie pas une seconde sa marche vers la mort."
Milan Kundera

Si après ça, il te reste encore des dents, sois cannibale.

21 avril 2013

In the mood for love

Chi Cheng est mort. Je fais partie de cette génération bâtarde qui a grandi en écoutant Deftones sur des CD gravés de mauvaise qualité, qui a vu Le Pen au second tour et a fini par voter la fermeture de plein d'usines en croyant voter pour la gauche. C'est la fin d'une époque.

Pour ceux qui ne suivent pas, là-bas au fond, le bassiste ne jouait déjà plus dans le groupe depuis un terrible accident l'ayant plongé dans le coma. Deftones continuait déjà son bonhomme de chemin depuis deux albums, dont le dernier Koy No Yokan dont il sera question aujourd'hui. Sortez une copie double et décrivez moi en 750 mots ce que représente pour vous ce dernier album sorti fin 2012 !

J'ai entendu le son du groupe pour la première fois à douze ans, c'est un élément constitutif de mon environnement sensoriel, tellement ancré dans ma mémoire qu'il m'est difficile de me pencher sur ce nouvel album. Pourtant, je ne suis pas ce qu'on pourrait appeler un fan de Deftones, c'est pour moi un très bon groupe, parmi les meilleurs, mais pas non plus un truc avec lequel je m'endors tous les soirs en pensant à mon premier amour.

Ce qui me surprend toujours quand j'écoute un nouveau disque du groupe pour la première fois, c'est que tout y est terriblement reconnaissable, différent du reste, unique. Et même si cela n'a pas toujours fonctionné par le passé, ici ils réussissent à pousser les cloisons de leur espace identitaire pour y inclure en douceur de nouveaux éléments, de nouvelles façons de faire, tout en restant Deftones et rien que Deftones. Je ne vous parle pas d'une évolution qu'on pourrait comparer avec celle opérée sur White Pony, où là c'était plutôt à coups de masse qu'ils rangeaient leur piaule; mais d'un truc subtil, le peu qu'il faut pour se dire qu'après toutes ces années, ils continuent de progresser et de parfaire leur discographie. Et ça, on ne voit pas ça chez tout le monde, soit les groupes finissent par s'enfoncer dans une formule, soit ils cherchent l'innovation et se plantent en beauté.

Vous l'aurez compris, ce nouveau cru est de la catégorie des bons, de ceux qui surprennent délicatement le palais tout en vous confortant sur le choix du vigneron. De là à se bourrer la gueule avec, il y a quand même un monde. Cela parce que Deftones est un groupe qui est constitutif du décors depuis longtemps, que l'adolescence est derrière nous et que depuis le temps, il n'y a plus le même enjeu à écouter un de leurs bébés. Alors bien sûr, il y a du tube par poignées sur cette galette, il ne faut pas être médisant, écouter "Rosemary"," Tempest" ou" Leathers" est un plaisir chaque fois renouvelé. Mais que voulez-vous, on n'a plus quinze ans, faut payer les factures, faire le ménage et Deftones n'a plus le même impact qu'à l'époque. Non pas qu'ils ne soient plus pertinents, mais comme nous ils vieillissent, simplement.

Fort heureusement, Deftones ont échappé au sort de tous les groupes de Neometal qui ont tous fini par faire de la merde, quand ils n'en faisaient pas déjà dès le début de leur carrière. Ce groupe a toujours eu un truc en plus, le petit rien qui fait toute la différence et les années passant, cela ne s'est que rarement démenti.

En Californie, les meilleurs Tacos sont cannibales.

12 avril 2013

Possession

Ah, voir et revoir Adjani se trancher la gorge et coucher avec un monstre à tentacules... Ce n'est pas dans la grisaille actuelle des salles obscures qu'on verrait cela. Heureusement, la musique est là pour nous nourrir de son actu.

Ventura est revenu en début de mois pour nous refaire le coup du disque parfait avec Ultima Necat, trois ans après We Recruit. Une nouvelle preuve, si besoin était, de la richesse musicale helvète. Des compos plus riches en ambiances que sur le précédent, une atmosphère plus bizarre tout en gardant un son reconnaissable dès le début du disque. Du tout cuit!

2013 sonne le retour à l'excellence pour Clutch qui avec Earth Rocker vient remettre les pendules à l'heure. Le Stoner rock c'est eux. Un disque fun et sans fioriture, visant à l'essentiel : donner le sourire et faire bouger la tête sur du son gras et groove. C'est à servir chaud et très épicé en attendant le retour de l'été.

Papaye nous revient à la fin du mois avec un nouveau pain dans la face, ça s'appelle Tennis et l'artwork est ce que vous verrez de plus chatoyant cette année. Ce super-groupe composé de membres de Pneu, Komandant Cobra et Room 204, soit ce qui se fait de mieux en France en matière de trigonométrie musicale, est encore une fois là pour vous faire rire et danser entre gens de bons goûts. A voir sur Paris avec Fordamage courant mai.

Les infatigables Melvins reviennent pour la trois millième fois dans nos oreilles, encore une fois pour notre plus grand plaisir même si on a souvent frôlé l'overdose. (Certains dans le fond me disent qu'ils l'ont plus que frôlé depuis longtemps). La livraison de cette année est un album de reprises, ça s'appelle Everybody loves sausages (ben tiens) et la tracklist est aussi variée que ses géniteurs sont cramés du bulbe, on y retrouve Queen, Venom, Throbbing Gristle, David Bowie ou encore The Scientists. Rien que ça.

The Dillinger Escape Plan seront de retour mi-mai pour achever les quelques survivants à leur Mathcore technique et fou. Ça s'appelle One of us is the killer et le premier extrait fait dans le classique de chez classique. En espérant que le reste de l'album sera moins bas du front que ce premier titre sans surprise, le groupe nous ayant habitué à plus de folie et de prise de risques. Verdict le 13 mai.

"On n'attache pas son chien avec des saucisses." Proverbe

Si ta mère est possédée par le démon mais ne ressemble pas Adjani, vient te plaindre ici

6 avril 2013

Maciste contre le fantôme

Cela fait un peu trop longtemps que je n'ai pas posté et je m'en excuse aux trois nolifes qui suivent mon blog ainsi qu'à mon chat qui râle en disant que si seulement il n'y avait que ça que je fais à l'arrache ce serait déjà pas mal. Aujourd'hui nous parlerons de cerveaux luminescents et plus précisément de ZEUS!, grand duo foufou made in Italy et de son deuxième rejeton Opéra.

Parfois au détour d'un webzine, sans attendre rien de spécial, on tombe sur son nouveau groupe préféré, on s'endort le soir en l'écoutant en boucle, un sourire béat fixé aux lèvres. Zeus! est de ces groupes qui font rigoler quand on lit la liste des morceaux de leurs albums, qui donnent parfois mal au crâne quand on n'est pas bien réveillé mais dont la musique et ses structures folles donnent envie de partir en voyage sur un vaisseau spatiale fantôme, avec une bonne réserve de pâtes et de mauvais vin.

Hurlements possédés, sifflements de l'outre-espace, Metal balkanique et Funk à chiens sont au programme pour une traversée chaotique de l'Histoire de la musique vu par le dieu grec. Il revient, pas content, pour vous donner une leçon de solfège assis sur l'arbre de la connaissance, tapant sur vos vertèbres d'une main et de l'autre éclatant joyeusement la tronche d’Orphée, aidé en cela par un saxophone rouillé. C'est un opéra my dear, et comme il se doit c'est tragique et sanglant. Écoute "Beelzebulb" et "Eroica" et tu comprendras ce qu'il en coûte de réveiller la bête.

En écoutant l'album pour la 112e fois en huit jours, il me revient à l'esprit une scène d'un vieux film dans lequel un crétin ivre se fait casser les dents par un gros tout en muscles noueux, il garde un sourire tout du long, la bouche de plus en plus liquide. C'est ça ZEUS!, ça fait mal et c'est rigolo, c'est compliqué mais ludique, ça ne ressemble à rien mais c'est un peu ce que tu as attendu toute ta vie. Dans une autre dimension spatio-temporelle, ils gouvernent l'Italie et Berlusconi est patron d'une société qui synthétise des drogues à prendre après l'amour, pas mal, mais dans cet univers parallèle, de l'autre côté de la frontière, Hollande est président et Sardou respire encore. Ah non merde ça c'est la réalité. Putain de réalité.

Pour oublier la grisaille ambiante, le froid d'un mois d'avril qui rêve de fêter noël et la connerie comme étendard dans certaines manifs parisiennes, enfile tes oreilles, mets le son très fort, ouvre tes fenêtres et célèbre le retour des dieux grecs. Ils viennent faire une bacchanale sur les Champs-Élysées et envahir le Vatican. Habemus fun!

"Le tonnerre est impressionnant, mais c'est l'éclair qui est important." Mark Twain.

Bouffe des pâtes mais n'oublie pas d'être cannibale

19 mars 2013

Le Masque du démon


Il s'en est passées des choses bizarres dans l'histoire de la musique, celle qui fait mal aux oreilles ; il paraît même que parfois, elle fait mal aux yeux ou qu'elle peut avoir le pouvoir de tuer. Ces cinquante dernières années, on en a projetés des fantasmes sur les effets néfastes du rock n'roll, sur les dangers du Hard Rock pour nos chères petites têtes blondes ou sur les messages subliminaux, parlant du retour de tonton Adolf, cachés dans les vinyles de Sardou (ou alors je confonds mais je ne crois pas).

Certains ont cru entendre Satan leur parler chiffons en écoutant des disques des Beatles ou de Led Zep à l'envers, personnellement, je pense que si on n'aime pas Led Zep, il n'est pas nécessaire d'abimer leurs disques pour passer le temps. D'autres ont vraiment cru que l'apocalypse était pour demain parce qu'un guignol trop maquillé racontait, pour la blague, qu'il s'était fait retirer des côtes pour pouvoir pratiquer l’auto-fellation. Dans son cas, même problème, quand on n'aime pas la musique, ce n'est pas la peine de se venger gratuitement sur elle en faisant de la merde. Rendons, malgré tout, grâce à Marilyn Manson pour avoir fait peur aux cons l'espace d'un court instant.

La question se pose alors : est-ce que la musique peut avoir pour rôle de déranger, de provoquer ? La réponse, mon petit canard, puisque tu me poses une question un peu pourrie, est simple : La musique t'emmerde, elle a tous les droits et pour le meilleur et le pire, elle peut faire ce qu'elle veut. Le meilleur donne des choses comme Throbbing Gristle et les débuts de l'Indus le plus extrême, Public Enemy et le bon Rap, les premiers disques de Grindcore ou Metal Urbain. Le pire aboutit, en suivant un chemin sinueux depuis que la musique est un business, à des choses aussi variées que Bouba, Mylène la fermière ou n'importe quel crétin derrière son laptop, qui poste des vidéos de ses impros masturbatoires sur des beats de fêtes foraines. Sachez malgré tout que selon l'humeur le pire peut devenir le meilleur et vice versa. Sauf pour Michel Sardou.

Alors qu'aujourd'hui le trash, le vulgaire et le dérangeant sont devenus des arguments marketings aussi efficaces que les strings et les chats, il fut une époque bénie où le Black metal était une musique dangereuse dont aucun curé ne prenait la défense en marge du Hellfest. Des suédois cramés du slip faisant flamber des églises se tiraient des balles de kalachnikov dans la gueule alors qu'à l'autre bout du monde Alice Cooper faisait déjà rire les enfants en jouant avec des serpents, le regard méchant et le maquillage millimétré. La mort n'était déjà plus qu'un crâne sur des tee-shirts d'ados pendant que de gentils esthètes mangeaient des chats sur des blastbeats au fond de caves remplies d'élitistes vegans, adorant Belzebuth. 

Entre temps, tout a changé, le Black metal le plus extrême est une musique d'intellos jouée par de gentils hipsters à lunettes en bois, théorisée par l’intelligentsia des critiques rock amateurs faisant sponsoriser leurs sites par des grossistes en thon bio. Et bizarrement, le genre est devenu, non pas encore accessible, mais varié et intelligent, riches en ambiances et en thèmes abordés.

Tout cela pour en venir au simple fait qu'il faut absolument écouter les groupes parfaits que sont Blut Aus Nord, Aluk Todolo, Neige Morte, Deathspell Omega, Liturgy, Wolves In The Throne room ou encore Altar of Plagues. Si vous croyez encore que le Black metal se résume à des fifous couverts de sang, parlant de la taille du zizi du diable en mangeant des côtes de porc crues dans des caves de centres villes gothiques, vous allez découvrir des sons nouveaux et agrandir vos horizons musicaux comme jamais depuis votre découverte du metal, quand vous étiez encore innocents, chastes et pures. Oui, c'était il y a longtemps.

"Dieu pêche les âmes à la ligne, Satan les pêche au filet." A-D.

Si vous n'êtes pas hexakosioihexekontahexaphobes, soyez cannibales.

18 mars 2013

A History of violence

Nous sommes en 2013 et le monde est crasseux, bonsoir. Aujourd'hui nous parlerons terroir et volupté avec le premier LP des lavallois de Birds In Row : You, me and the violence. Premier groupe français à voir un de ses disques sortir sur Deathwish, le célèbre label du leader de Converge, Birds In Row n'a pas attendu cette sorte de consécration pour être un acteur majeur des musiques sales de France.

Ayant, dès sa naissance, bouffé des kilomètres comme certains enquillent les packs de kro, le groupe fait preuve, dès son premier long format et après deux EP remarqués et remarquables, d'une incroyable force de frappe. Un impact nuancé par la variété des styles et des tons employés pour un règlement de compte tout en violence parfois brute, parfois contenue comme une frustration adolescente bien cachée. Il est bluffant de voir le chemin parcouru par les trois depuis Rise of the phoenix, alors qu'il n'est plus vieux que de deux ans.

Birds In Row ne joue pas de musique, il la vit, il exulte ses morceaux comme on porte sa croix sur un chemin rocailleux. Avec la passion et l'envie de partager sur la route chevillées au corps, le groupe avance à pas de géants. Non pas un géant à la tête perdu dans les nuages, loin des réalités et de la dureté du monde, mais plutôt de ceux vivants sous terres, regardant au raz du sol ce qui se déroule ici ou là, sur la terre des hommes.

Dès "pilori", le constat est sans appel, pendant trente-cinq minutes vous allez être témoin de ce que peuvent faire trois types talentueux pour donner leur vision de tout ce que le hardcore moderne peut compter de sous-genres, cela d'une façon si marquante que s'en est presque trop beau. Les titres s'enchainent aussi vite que tombent les mouches quand un politique ouvre la bouche, vous allez être conquis, vite, bien et définitivement. "Lovers have their say" s'occupera de finir de vous convaincre dans une boue de larsens et d'ombres.

Il ne vous restera plus qu'à foncer les voir sur scène, comprendre ce que les termes d'intensité et d'honnêteté musicale veulent dire, être témoin de ce qui est transmis par cette collection de morceaux incroyables de concision, de violence et d'intelligence. Soutenez les yeux fermés les groupes français de cette trempe et espérez qu'ils finissent par être aussi nombreux que leur musique est touchante.

Va bosser ou soit cannibale.

10 mars 2013

Eternal Sunshine of the spotless mind

Cela fait un peu trop longtemps que je n'ai pas posté. Ce n'est pas sérieux, je le sais bien. J'ai, malgré tout, écouté énormément de musique pendant ces quelques semaines et pris aussi quelques vacances imméritées, comme toujours. Parlons peu, parlons bien, discutons de The Saddest Landscape et de leur petit nouveau : After the light.

The Saddest Landscape n'est pas un groupe de screamo, il est le screamo. Rarement le genre n'aura été porté non comme un étendard mais comme une seconde peau, forcément couverte de plaies. A vif. La musique du groupe transpire l'honnêteté, la vie qui blesse et qui élève, celle qui nous condamne et nous sublime. Le chant de Maddox est encore une fois empli de grâce et de douleur, qu'il crie, hurle ou parle simplement, portant dans sa voix les émotions de chaque mot prononcé.

Il est des disques qui vous accompagnent dans les moments forts du quotidien, qui vous transportent vers ce que vous cherchez et vous aide à déplacer des montagnes. De ceux qui construisent autant votre identité que l’œuvre d'un groupe. After the light est clairement un digne concurrent de cette catégorie, de celle qui vise à la pureté. Il suffit ici de sept petits titres pour que la magie opère.

Quand les quelques minutes que compte le disque s'achèvent pour la première fois, la force et l'intensité qui se dégagent de cette musique vous marquent au fer rouge, pour ne plus jamais vous lâcher. Il est parfois émotionnellement éprouvant d'écouter cet LP, d'autres fois, la lumière qui s'en échappe vous éblouit et vous captive comme celle filtrant au travers d'un vitrail.

Le meilleur terme pour décrire ce déferlement sonore serait, me semble-t-il, celui de "passion". Passion pour une scène, un héritage musical sans concession, mais également passion pour la vie, pour le combat qu'elle représente. Un combat se menant avec fierté, la gorge déployée et les poings serrés. Ici, la musique transpire la rage et la conviction, la nécessité d'avancer, coûte que coûte.

Prend le soleil et sois cannibale.

27 février 2013

Le Dernier des Mohicans

2013 est une année qui commence bien puisque Mike Patton et ses amis nous offrent un nouveau LP de Tomahawk, Oddfellows. Ne faisons pas durer le suspense, ce dernier bébé est une réussite intégrale.

Flashback vers 2007, Tomahawk sort Anonymous, concept-album plus expérimental qui déçoit beaucoup de fans. Après la sortie de celui-ce, le groupe ne tourne pas et Kevin Rutmanis, devenu ingérable, quitte le navire. Pour les fans, ça sent un peu le sapin. Quand en 2012, Patton annonce un nouvel album et l'arrivée de Trevor Dunn (Mr Bungle, Melvins, Fantomas,etc) à la basse, cela crée tout de suite beaucoup d'espoirs et d'attentes. Un ans après, nous pouvons enfin écouter le résultat, trépignants en posant le disque pour la première fois sur notre platine. Play.

Les choses reprennent tout de suite comme s'il ne s'était rien passé depuis Mit Gas, les titres sont courts, presque sans fioritures, on accroche dès la première écoute. Patton est en grande forme (comme souvent), ses lignes de chants sont bluffantes d'aisance et de diversité. "Stone letter", le single, surprend d'ailleurs par la grâce mélodique de son refrain, chanté à gorge déployée par le général.

Du punk à la noise en passant par le jazz et le rockabilly, porté par les guitares si singulières de Duane Denison, le disque enchaine les plans qui visent simple et juste et, sans s'en rendre, on arrive déjà à la fin d'un disque sans aucun faux pas. Les quatre réussissent, au fil des treize titres, à éviter la redite ou les temps morts par la magie de morceaux ayant tous leurs identités propres, du très rentre-dedans "Oddfellows" à l'ambiance sombre de "I.O.U".

On se demande alors ce qui pourrait arrêter ces géniaux touche à tout, qui, depuis le début des années 90 et à travers la diversité de leurs groupes respectifs passés ou présents, ont plus que quiconque enrichi l'héritage du paysage rock. L'empreinte laissée par des groupes comme Jesus Lizard, Battles, Helmet ou Faith no more n'a certainement pas fini de nourrir les appétits toujours plus grands de nos mange-disques. On ne finira sans doute jamais de mesurer l'impact et l'influence de ces musiciens sur les musiques que nous aimons, cela sans omettre qu'ils n'ont jamais choisi la facilité ou la redite mais une éternelle tendance à l'expérimentation et à l'innovation.

Ils ne sont pas nombreux ceux qui, après plus de vingt ans, proposent encore une musique inédite et sans concession, loin de toute considération de mode ou de marché. Il n'est pas né celui qui arrivera à arracher le scalpe de nos valeureux guerriers sonores. La barre est toujours, et peut-être de plus en plus, haute et le Tomahawk devra être bien affuté.

Entre deux parties de chasses ou une séance de touche-pipi avec Pocahontas, n'oublie pas d'honorer tes ancêtres en mangeant leurs cœurs. ugh!

13 février 2013

Les Sentiments

En 2011, Thursday sortait son dernier album, No Devolucion, c'était donc l'année du retour du jeudi (oui, oui j'assume). Plus rien ne serait pareil dans le monde des musiques émotives... L'année suivante, ils annonçaient se mettre en pause pour une durée indéterminée.

 Il y a parfois des groupes dont parler de la musique avec des termes creux comme refrains, riffs, structures ou lignes de basses ne sert à rien. C'est déjà arrivé ici-même que j'emploie d'autres façons pour expliciter mon amour d'un groupe. Thursday est indéniablement de ceux-là. Ils le sont d'autant plus qu'ils jouent dans une cour (l'emo pour faire vite) dont le but est justement le ressenti, les sensations que la musique nous procure.

Vous êtes-vous déjà retrouvé dans un pays inconnu, un endroit que vous visitez pour la première fois, dont vous ne connaissez presque rien ? Vous est-il arrivé de ressentir cette impression de puissance envahissante, ce trop-plein qui vous écrase devant quelque-chose de nouveau, que vous ne comprenez pas, mais qui vous attire dès les premiers instants ? C'est exactement ce que j'ai ressenti la première fois que j'ai écouté un morceau de Thursday. Une sensation pareil à celle que je ressens quand j'arrive dans une capital inconnue, que je perçois tout ce qu'il s'y passe, d'abord sans le comprendre, mais en aimant cela.

On avance alors ici dans notre écoute comme on se dirige à l'aveugle dans des ruelles que l'on arpente pour la première fois, chargé par l'excitation de ce qui est nouveau, de ce que l'on veut faire sien. On prend déjà du plaisir sans savoir d'où il vient. Les derniers disques de Thursday sont à l'image d'une grande ville aux infinis dédales, on sait que ce sera long pour en connaitre chaque rue, chaque immeuble, mais on a le temps de s'y perdre pour, plus tard et bien assez tôt, s'y reconnaitre.

Leurs disques, qui n'étaient au début qu'une chose plaisante, un dépaysement, deviennent alors une véritable partie de nous, dans chaque recoin on a laissé des souvenirs, des instants de notre passé. La première fois, la musique nous émeut pour elle-même, puis elle commence à se charger de tout ce qui a entouré son écoute répétée. On se sent alors aussi vivant que lorsque l'on revient sur certains lieux de notre passé, sauf qu'ici, en plus de cela, on continue à la charger de ce que nous sommes maintenant, au moment où l'on écoute.

Il ne reste alors qu'à se laisser happer, engloutir dans le flot de cette musique violente et belle mais jamais mielleuse. Ne plus penser ou essayer d'analyser chaque son ou chaque parole, simplement savoir qu'elle fait partie de nous tout comme nous sommes faits d'elle. Le miracle peut alors simplement se produire, celui d'une musique visant à être la bande-son parfaite de la vie, dans ce qu'elle a de plus beau et de plus brutal.

Rarement un groupe affilié emo n'aura accompli un tel tour de force, réussir à ne jamais sonner pompeux ou larmoyant et parvenir à sublimer des sensations tout en préservant leur intensité et leur immédiateté. Les groupes à savoir donner toutes ses lettres de noblesses à l'emo ne courent pas les rues, quand Thursday sait nous prendre par la main pour y marcher avec nous.

Chez le mange-disque cannibale, le jeudi c'est ravioli.