27 février 2013

Le Dernier des Mohicans

2013 est une année qui commence bien puisque Mike Patton et ses amis nous offrent un nouveau LP de Tomahawk, Oddfellows. Ne faisons pas durer le suspense, ce dernier bébé est une réussite intégrale.

Flashback vers 2007, Tomahawk sort Anonymous, concept-album plus expérimental qui déçoit beaucoup de fans. Après la sortie de celui-ce, le groupe ne tourne pas et Kevin Rutmanis, devenu ingérable, quitte le navire. Pour les fans, ça sent un peu le sapin. Quand en 2012, Patton annonce un nouvel album et l'arrivée de Trevor Dunn (Mr Bungle, Melvins, Fantomas,etc) à la basse, cela crée tout de suite beaucoup d'espoirs et d'attentes. Un ans après, nous pouvons enfin écouter le résultat, trépignants en posant le disque pour la première fois sur notre platine. Play.

Les choses reprennent tout de suite comme s'il ne s'était rien passé depuis Mit Gas, les titres sont courts, presque sans fioritures, on accroche dès la première écoute. Patton est en grande forme (comme souvent), ses lignes de chants sont bluffantes d'aisance et de diversité. "Stone letter", le single, surprend d'ailleurs par la grâce mélodique de son refrain, chanté à gorge déployée par le général.

Du punk à la noise en passant par le jazz et le rockabilly, porté par les guitares si singulières de Duane Denison, le disque enchaine les plans qui visent simple et juste et, sans s'en rendre, on arrive déjà à la fin d'un disque sans aucun faux pas. Les quatre réussissent, au fil des treize titres, à éviter la redite ou les temps morts par la magie de morceaux ayant tous leurs identités propres, du très rentre-dedans "Oddfellows" à l'ambiance sombre de "I.O.U".

On se demande alors ce qui pourrait arrêter ces géniaux touche à tout, qui, depuis le début des années 90 et à travers la diversité de leurs groupes respectifs passés ou présents, ont plus que quiconque enrichi l'héritage du paysage rock. L'empreinte laissée par des groupes comme Jesus Lizard, Battles, Helmet ou Faith no more n'a certainement pas fini de nourrir les appétits toujours plus grands de nos mange-disques. On ne finira sans doute jamais de mesurer l'impact et l'influence de ces musiciens sur les musiques que nous aimons, cela sans omettre qu'ils n'ont jamais choisi la facilité ou la redite mais une éternelle tendance à l'expérimentation et à l'innovation.

Ils ne sont pas nombreux ceux qui, après plus de vingt ans, proposent encore une musique inédite et sans concession, loin de toute considération de mode ou de marché. Il n'est pas né celui qui arrivera à arracher le scalpe de nos valeureux guerriers sonores. La barre est toujours, et peut-être de plus en plus, haute et le Tomahawk devra être bien affuté.

Entre deux parties de chasses ou une séance de touche-pipi avec Pocahontas, n'oublie pas d'honorer tes ancêtres en mangeant leurs cœurs. ugh!

13 février 2013

Les Sentiments

En 2011, Thursday sortait son dernier album, No Devolucion, c'était donc l'année du retour du jeudi (oui, oui j'assume). Plus rien ne serait pareil dans le monde des musiques émotives... L'année suivante, ils annonçaient se mettre en pause pour une durée indéterminée.

 Il y a parfois des groupes dont parler de la musique avec des termes creux comme refrains, riffs, structures ou lignes de basses ne sert à rien. C'est déjà arrivé ici-même que j'emploie d'autres façons pour expliciter mon amour d'un groupe. Thursday est indéniablement de ceux-là. Ils le sont d'autant plus qu'ils jouent dans une cour (l'emo pour faire vite) dont le but est justement le ressenti, les sensations que la musique nous procure.

Vous êtes-vous déjà retrouvé dans un pays inconnu, un endroit que vous visitez pour la première fois, dont vous ne connaissez presque rien ? Vous est-il arrivé de ressentir cette impression de puissance envahissante, ce trop-plein qui vous écrase devant quelque-chose de nouveau, que vous ne comprenez pas, mais qui vous attire dès les premiers instants ? C'est exactement ce que j'ai ressenti la première fois que j'ai écouté un morceau de Thursday. Une sensation pareil à celle que je ressens quand j'arrive dans une capital inconnue, que je perçois tout ce qu'il s'y passe, d'abord sans le comprendre, mais en aimant cela.

On avance alors ici dans notre écoute comme on se dirige à l'aveugle dans des ruelles que l'on arpente pour la première fois, chargé par l'excitation de ce qui est nouveau, de ce que l'on veut faire sien. On prend déjà du plaisir sans savoir d'où il vient. Les derniers disques de Thursday sont à l'image d'une grande ville aux infinis dédales, on sait que ce sera long pour en connaitre chaque rue, chaque immeuble, mais on a le temps de s'y perdre pour, plus tard et bien assez tôt, s'y reconnaitre.

Leurs disques, qui n'étaient au début qu'une chose plaisante, un dépaysement, deviennent alors une véritable partie de nous, dans chaque recoin on a laissé des souvenirs, des instants de notre passé. La première fois, la musique nous émeut pour elle-même, puis elle commence à se charger de tout ce qui a entouré son écoute répétée. On se sent alors aussi vivant que lorsque l'on revient sur certains lieux de notre passé, sauf qu'ici, en plus de cela, on continue à la charger de ce que nous sommes maintenant, au moment où l'on écoute.

Il ne reste alors qu'à se laisser happer, engloutir dans le flot de cette musique violente et belle mais jamais mielleuse. Ne plus penser ou essayer d'analyser chaque son ou chaque parole, simplement savoir qu'elle fait partie de nous tout comme nous sommes faits d'elle. Le miracle peut alors simplement se produire, celui d'une musique visant à être la bande-son parfaite de la vie, dans ce qu'elle a de plus beau et de plus brutal.

Rarement un groupe affilié emo n'aura accompli un tel tour de force, réussir à ne jamais sonner pompeux ou larmoyant et parvenir à sublimer des sensations tout en préservant leur intensité et leur immédiateté. Les groupes à savoir donner toutes ses lettres de noblesses à l'emo ne courent pas les rues, quand Thursday sait nous prendre par la main pour y marcher avec nous.

Chez le mange-disque cannibale, le jeudi c'est ravioli.

7 février 2013

La Planète des singes

Hier je discutais avec mon singe savant. On avait un échange très riche sur la mécanique des fluides appliquée à l'art divinatoire, quand tout à coup, il me demanda ce que je pensais de Doolittle des Pixies."Y a un singe sur la pochette" me dit-il, très fier.

"- Tu sais quand ce disque est sorti, en 1989, même mon voisin, qui je te le rappelle était un gorille ne jurant que par "Don't cry" des Guns, sentait bien qu'il se passait un truc de fou avec lui. J'ai presque commencé à être intelligent au moment exacte où je l'ai écouté pour la première fois.

-Ouais, je l'aime bien aussi, mais moi en 89 j'avais quatre ans alors bon. Je l'associe à une pulsion nostalgique pour une époque que je n'ai pas connu très vieux. C'est d'ailleurs bête car, à ce moment là, y avait que mes doudous qui comptaient pour moi et je souriais quand je pétais, du coup pas vraiment besoin de faire un transfert de nostalgie.

-Tu souris toujours quand tu pète. Moi, j'ai souvent une érection quand j'entends "Monkey gone to heaven". Tu vois ce morceau me parle, ça m'évoque ma mère, quand je me tripotais le baobab le soir en pensant à elle. C'est un truc super chié. C'est fait avec trois bouts de ficelles et pourtant ça défonce tout.

-Chié ? Tu as toujours été vulgaire comme ça ou ce n'est que depuis que tu badigeonne tes cacahuètes avec de la coke ? Ne nie pas Philanthrope (oui mon singe s'appelle Philanthrope, y en a que ça dérange ?), je t'ai surpris en train de le faire. Pour un singe savant, ça fait pas très classe la vulgarité et la cocaïne.

-Je te répondrais seulement que c'est toi qui m'a appris à parler. Ensuite, c'est certainement parce que je suis savant que je prend de la coke. Ça me rend névrosé tu comprend de tout savoir, d'être hyper intelligent et d'adorer le cinéma des pays de l'est et la musique concrète. Pour en revenir à ce que je te disais. Ce LP, putain, chaque titre est parfait, ils ont tous un truc qui fait mouche à tous les coups. Ils sont tous uniques, jamais de répétition, de la nuance, des plans reggae, blues, country. Après la production est un peu daté, ça manque de profondeur, mais ça c'est pas grave. Ça sonne garage grâce à ça.

-Garage, les Pixies ? T'es pas un singe, t'es une bigote sourde, qui pense que Metallica c'est un groupe sataniste.

-Il faut que tu réécoute "Here comes your man". Dès le début du morceau, quand le riff arrive, tu te dis putain ces mecs sont des génies. Ils arrivent à faire ça avec ce riff de surf au ralenti. Puis ce refrain, avec la voix féminine derrière, c'est si évident et pourtant faut savoir ce qu'on fait pour sortir ce genre de choses. Je crois vraiment que les Pixies ont étaient bénis des dieux.

-C'est à cause du singe sur la pochette que tu dis ça.

-Je pense à un truc. Il y a quinze titres sur ce disque. Il n'y a que les deux derniers que je trouve un peu en-dessous, un peu chiant, mais c'est en comparaison des précédents. Ça veut dire qu'ils enchainent treize morceaux parfaits juste avant. Voilà, je ne vois pas ce que je pourrais dire d'autre pour te convaincre.

-Mais attention, je suis déjà convaincu depuis longtemps. Les Pixies, à ce moment là, ils étaient supers bons, ce disque est un classique et ce n'est bien sûr pas pour rien."

Philanthrope a le vice de l'anthropophagie, pour l'aider à ce soigner, rendez-vous ici.

2 février 2013

La forteresse Noire

Le début du deuxième mois de l'année sonne, on a maintenant tous oublié la gueule de bois mémorable du passage à 20463, nous pouvons donc faire un point sur l'actu.

Déjà, tout bientôt, il y aura Dinosaur jr de passage en France et ça c'est un grande nouvelle. Un peu plus tard dans l'année, en mai pour être exacte, se déroulera comme toujours le génialement parfait Villette Sonique, avec cette année, je retiens mon émotion, Neurosis et les Swans. Enfin surtout Neurosis mais quand même.

Pour parler skeuds, plastique noir, galettes qui brillent, sillons et lasers miroirs, enfin vous aurez compris, vient de paraitre chez tous les bons dealers :

-le nouveau Tomahawk, Oddfellows. oh putain oh putain oh putain, on en parle très vite. Après la semi déception d'Anonymous, le gourdin revient plus bandant que jamais et après les claques que furent le dernier Battles et la tournée de reformation de Jesus Lizard, c'est du tout cuit!

-Le nouveau Casket Lottery avec Real Fear. Les maitres de l'emo harcore américains, classes en diable, sont de retour après une longue période pour rappeler qui sont les maitres. Une leçon.

-Un petit nouveau LP par les parisiens de Frustration, les fans de coldwave, postpunk et assimilés s'en frottent les mains d'avance... La fierté du label Born Bad.

-La fin de l'année dernière aura vu la sortie du nouveau The Evens, The Odds, soit le chanteur mythique de Fugazi en duo avec sa compagne. Un retour qui fleur bon le Washington de la fin des 80's.

-Enfin, le meilleur pour la fin, le 5 février sort le quatrième éponyme de The Bronx. Je n'ai pas encore pu écouter plus d'un titre, mais je sais déjà que le disque sera une tuerie définitive, comme les trois précédents. Dont acte.

Soyez beaux, soyez fous, soyez cannibales.

1 février 2013

Minuit dans le jardin du bien et du mal

Oh comme la nostalgie peut parfois nous faire réparer quelques erreurs, commises par paraisse ou par ignorance. Quand en 1995, je ne vous dirai pas à quel âge par coquetterie, j'ai entendu "Black hole sun" pour la première fois, bercé par son refrain accrocheur et la belle gueule de Chris Cornell, je n'ai pas été emballé par l'album dont il est issu. J'ai donc fait passer Soundgarden à la trappe puisque c'est d'eux qu'il s'agit aujourd'hui.

Une erreur qui ne sera corrigée que douze ans plus tard, alors que le groupe se reforme, que leurs concerts sont des tueries et que leur nouveau LP King animal se laisse déguster comme un vin hors d'âge. Un vin n'ayant pas que des relents de nostalgie mais également simplement de bonne musique d'aujourd'hui. Chose rare. Mais le sujet de cet article n'est pas ce nouvel album mais tous les autres, la discographie complète du groupe jusqu'à sa chute peu après la sortie de Down on the upside.

De coups d'essais en coup de maitres, l’œuvre des américains est dense, riche en tubes, en morceaux tout juste magiques, grands. Une sorte de mélange parfait entre la grâce de Led Zeppelin, la lourdeur de Black Sabbath et l'héritage du hardcore des années 80, tout cela en plus fort et en plus mélodique. Il n'y a que peu de groupe capable de tenir celui qui l'écoute pendant plus d'une heure, les oreilles scotchées à ses enceintes, regrettant presque de ne pas croire en Dieu, de ne pas pouvoir l'en remercier. Soundgarden est indiscutablement de ceux là.

Pourquoi ? Comment ? Par quel miracle ? Point de miracle ici, mais l'unique synergie entre quatre types, un batteur précis, au jeu varié, au groove aérien, une basse qui grossit bien le tout et un guitariste au jeu versatile, riche d'influences. Et par dessus tout cela, une voix, ou plutôt les voix de Chris Cornell, toujours grandiose, mélodique et ample. Du calme à la tempête et de la croonerie presque guimauve à la violence la plus brute, l'homme sait tout faire.

Mais tout ne fût pas si simple. Quand j'ai ressorti le groupe du placard, que j'ai voulu me faire une idée, j'ai longtemps butté contre un mur. Le groupe sonnait trop mainstream pour moi, presque putassier. Puis, petit à petit, insidieusement, un refrain m'est entré dans le cerveau, puis un riff, un titre, puis tout un album. Je suis devenu accro, presque chaque jour il me faut ma dose. Je viens témoigner ici, fébrile, pour vous demander de l'aide. J'aimerai arrêter d'écouter Soundgarden mais je n'y arrive pas. Les crises de manque sont de plus en plus fréquentes et quand à l'effet du produit sur mon cerveau, j'avoue honteusement qu'il est chaque fois meilleur. Soundgarden est une drogue et j'aime cette drogue, je le confesse.

Alors bien sûr, les grincheux et jeunistes viendront encore se plaindre, "encore un groupe qui se reforme, ils bouffent l'actu musicale, pas de place pour la nouveauté", etc. La nouveauté a toujours sa place, il y a fort heureusement de très bons nouveaux groupes et, même moi, qui suis un vieux nostalgique totalement irrécupérable, un jour prochain j'arrêterai d'alimenter mon libellé "classique". Au moins pour un temps. C'est promis.

En attendant soyez sages et, plutôt que d'économiser pour votre copine pour la saint Valentin, Soyez cannibales.