19 mars 2013

Le Masque du démon


Il s'en est passées des choses bizarres dans l'histoire de la musique, celle qui fait mal aux oreilles ; il paraît même que parfois, elle fait mal aux yeux ou qu'elle peut avoir le pouvoir de tuer. Ces cinquante dernières années, on en a projetés des fantasmes sur les effets néfastes du rock n'roll, sur les dangers du Hard Rock pour nos chères petites têtes blondes ou sur les messages subliminaux, parlant du retour de tonton Adolf, cachés dans les vinyles de Sardou (ou alors je confonds mais je ne crois pas).

Certains ont cru entendre Satan leur parler chiffons en écoutant des disques des Beatles ou de Led Zep à l'envers, personnellement, je pense que si on n'aime pas Led Zep, il n'est pas nécessaire d'abimer leurs disques pour passer le temps. D'autres ont vraiment cru que l'apocalypse était pour demain parce qu'un guignol trop maquillé racontait, pour la blague, qu'il s'était fait retirer des côtes pour pouvoir pratiquer l’auto-fellation. Dans son cas, même problème, quand on n'aime pas la musique, ce n'est pas la peine de se venger gratuitement sur elle en faisant de la merde. Rendons, malgré tout, grâce à Marilyn Manson pour avoir fait peur aux cons l'espace d'un court instant.

La question se pose alors : est-ce que la musique peut avoir pour rôle de déranger, de provoquer ? La réponse, mon petit canard, puisque tu me poses une question un peu pourrie, est simple : La musique t'emmerde, elle a tous les droits et pour le meilleur et le pire, elle peut faire ce qu'elle veut. Le meilleur donne des choses comme Throbbing Gristle et les débuts de l'Indus le plus extrême, Public Enemy et le bon Rap, les premiers disques de Grindcore ou Metal Urbain. Le pire aboutit, en suivant un chemin sinueux depuis que la musique est un business, à des choses aussi variées que Bouba, Mylène la fermière ou n'importe quel crétin derrière son laptop, qui poste des vidéos de ses impros masturbatoires sur des beats de fêtes foraines. Sachez malgré tout que selon l'humeur le pire peut devenir le meilleur et vice versa. Sauf pour Michel Sardou.

Alors qu'aujourd'hui le trash, le vulgaire et le dérangeant sont devenus des arguments marketings aussi efficaces que les strings et les chats, il fut une époque bénie où le Black metal était une musique dangereuse dont aucun curé ne prenait la défense en marge du Hellfest. Des suédois cramés du slip faisant flamber des églises se tiraient des balles de kalachnikov dans la gueule alors qu'à l'autre bout du monde Alice Cooper faisait déjà rire les enfants en jouant avec des serpents, le regard méchant et le maquillage millimétré. La mort n'était déjà plus qu'un crâne sur des tee-shirts d'ados pendant que de gentils esthètes mangeaient des chats sur des blastbeats au fond de caves remplies d'élitistes vegans, adorant Belzebuth. 

Entre temps, tout a changé, le Black metal le plus extrême est une musique d'intellos jouée par de gentils hipsters à lunettes en bois, théorisée par l’intelligentsia des critiques rock amateurs faisant sponsoriser leurs sites par des grossistes en thon bio. Et bizarrement, le genre est devenu, non pas encore accessible, mais varié et intelligent, riches en ambiances et en thèmes abordés.

Tout cela pour en venir au simple fait qu'il faut absolument écouter les groupes parfaits que sont Blut Aus Nord, Aluk Todolo, Neige Morte, Deathspell Omega, Liturgy, Wolves In The Throne room ou encore Altar of Plagues. Si vous croyez encore que le Black metal se résume à des fifous couverts de sang, parlant de la taille du zizi du diable en mangeant des côtes de porc crues dans des caves de centres villes gothiques, vous allez découvrir des sons nouveaux et agrandir vos horizons musicaux comme jamais depuis votre découverte du metal, quand vous étiez encore innocents, chastes et pures. Oui, c'était il y a longtemps.

"Dieu pêche les âmes à la ligne, Satan les pêche au filet." A-D.

Si vous n'êtes pas hexakosioihexekontahexaphobes, soyez cannibales.

18 mars 2013

A History of violence

Nous sommes en 2013 et le monde est crasseux, bonsoir. Aujourd'hui nous parlerons terroir et volupté avec le premier LP des lavallois de Birds In Row : You, me and the violence. Premier groupe français à voir un de ses disques sortir sur Deathwish, le célèbre label du leader de Converge, Birds In Row n'a pas attendu cette sorte de consécration pour être un acteur majeur des musiques sales de France.

Ayant, dès sa naissance, bouffé des kilomètres comme certains enquillent les packs de kro, le groupe fait preuve, dès son premier long format et après deux EP remarqués et remarquables, d'une incroyable force de frappe. Un impact nuancé par la variété des styles et des tons employés pour un règlement de compte tout en violence parfois brute, parfois contenue comme une frustration adolescente bien cachée. Il est bluffant de voir le chemin parcouru par les trois depuis Rise of the phoenix, alors qu'il n'est plus vieux que de deux ans.

Birds In Row ne joue pas de musique, il la vit, il exulte ses morceaux comme on porte sa croix sur un chemin rocailleux. Avec la passion et l'envie de partager sur la route chevillées au corps, le groupe avance à pas de géants. Non pas un géant à la tête perdu dans les nuages, loin des réalités et de la dureté du monde, mais plutôt de ceux vivants sous terres, regardant au raz du sol ce qui se déroule ici ou là, sur la terre des hommes.

Dès "pilori", le constat est sans appel, pendant trente-cinq minutes vous allez être témoin de ce que peuvent faire trois types talentueux pour donner leur vision de tout ce que le hardcore moderne peut compter de sous-genres, cela d'une façon si marquante que s'en est presque trop beau. Les titres s'enchainent aussi vite que tombent les mouches quand un politique ouvre la bouche, vous allez être conquis, vite, bien et définitivement. "Lovers have their say" s'occupera de finir de vous convaincre dans une boue de larsens et d'ombres.

Il ne vous restera plus qu'à foncer les voir sur scène, comprendre ce que les termes d'intensité et d'honnêteté musicale veulent dire, être témoin de ce qui est transmis par cette collection de morceaux incroyables de concision, de violence et d'intelligence. Soutenez les yeux fermés les groupes français de cette trempe et espérez qu'ils finissent par être aussi nombreux que leur musique est touchante.

Va bosser ou soit cannibale.

10 mars 2013

Eternal Sunshine of the spotless mind

Cela fait un peu trop longtemps que je n'ai pas posté. Ce n'est pas sérieux, je le sais bien. J'ai, malgré tout, écouté énormément de musique pendant ces quelques semaines et pris aussi quelques vacances imméritées, comme toujours. Parlons peu, parlons bien, discutons de The Saddest Landscape et de leur petit nouveau : After the light.

The Saddest Landscape n'est pas un groupe de screamo, il est le screamo. Rarement le genre n'aura été porté non comme un étendard mais comme une seconde peau, forcément couverte de plaies. A vif. La musique du groupe transpire l'honnêteté, la vie qui blesse et qui élève, celle qui nous condamne et nous sublime. Le chant de Maddox est encore une fois empli de grâce et de douleur, qu'il crie, hurle ou parle simplement, portant dans sa voix les émotions de chaque mot prononcé.

Il est des disques qui vous accompagnent dans les moments forts du quotidien, qui vous transportent vers ce que vous cherchez et vous aide à déplacer des montagnes. De ceux qui construisent autant votre identité que l’œuvre d'un groupe. After the light est clairement un digne concurrent de cette catégorie, de celle qui vise à la pureté. Il suffit ici de sept petits titres pour que la magie opère.

Quand les quelques minutes que compte le disque s'achèvent pour la première fois, la force et l'intensité qui se dégagent de cette musique vous marquent au fer rouge, pour ne plus jamais vous lâcher. Il est parfois émotionnellement éprouvant d'écouter cet LP, d'autres fois, la lumière qui s'en échappe vous éblouit et vous captive comme celle filtrant au travers d'un vitrail.

Le meilleur terme pour décrire ce déferlement sonore serait, me semble-t-il, celui de "passion". Passion pour une scène, un héritage musical sans concession, mais également passion pour la vie, pour le combat qu'elle représente. Un combat se menant avec fierté, la gorge déployée et les poings serrés. Ici, la musique transpire la rage et la conviction, la nécessité d'avancer, coûte que coûte.

Prend le soleil et sois cannibale.