2 octobre 2014

Des Types et une boite à rythmes

  Quel est le comble pour un batteur qui tient un blog sur la musique ? De pondre un article sur des groupes qu'il adore et dans lesquels il n'y a pas la moindre trace d'une batterie, une vraie ? Ce n'est certainement pas si simple car tous les groupes qui seront cités ici possèdent un impact rythmique dévastateur. Mieux, la boite à rythmes y est toujours un élément indissociable de leurs sons, faisant presque d'elle un membre à part entière de chacun d'entre-eux. Et si l'esprit punk se cachait dans une simple machine ?


Tout commence en 1977 quand un groupe français sort de nul-part un 45T sous le doux nom de Panik. Ils s'appellent Métal Urbain, débarquent avec leurs guitares et leurs synthés et vont révolutionner le punk de France à venir avec une magnifique attitude de branleurs. La musique est froide, sans mélodie, le chant est criard et vindicatif. Les tables de la loi d'un autre punk, porté par des rythmiques mécaniques et des sons électroniques, se trouvent dans une poignée de 45T sortis entre 77 et 79 par ce groupe aujourd'hui culte. Cela malgré une reformation dans les années 2000 qui les verra sortir un album complètement dispensable, sans être véritablement mauvais.

Quatre ans plus tard débarque l'un des meilleurs groupes de punk français, Warum Joe. Injustement peu connu par la faute du succès écrasant de certains, Bérurier Noir en tête, les Warum n'en sont pas moins excellents. Beaucoup plus mélodique que ne l'était celle de Métal Urbain, la musique est ici au service de textes aussi originaux qu'étrangement marquants. Ils sortent également un disque dans les années 2000, après dix ans sans nouvelle discographique. Mais contrairement à l'essai de Métal Urbain, Au Milieu de ta forme est un disque excellent de bout en bout, rempli raz la gueule de tubes jouissifs aux textes intelligents et fun : "Mauser Fucker", "Copkiller", "Babel Web", "Les Feux de l'amour" ou "La Citée des chasseurs" mais la liste pourrait contenir tout l'album. Un must !

On ne peut pas parler de boite à rythmes sans évoquer les Ludwig Von 88. En une quinzaine d'années et presque autant d'albums, ils ont marqué le punk de France avec des textes parfois complètement débiles mais toujours poétiques et un humour aussi ravageur que politiquement incorrect. Et toujours cette boite à rythmes, immuable et simple, aussi importante dans l'identité du groupe que leurs pochettes d'albums faites de détournements et de collages. Une ribambelles de tubes ont marqué deux générations de punks telles que "New Orleans", "77" ou "Dans le jardin d'Allah".

Plus près de nous, comment ne pas parler de Violence Conjugale et de son unique album éponyme sorti chez BornBad en 2012. Une voix, un synthé et des textes glaciaux et romantiques parlant de guerre et d'amour dans la plus pure tradition Minimalwave. Un disque qui aurait pu sortir il y a 35 ans, un véritable voyage temporel au pays des musiques glacées.

On a déjà parlé ici des géniaux Austerity Program, dignes descendants des ancêtres Punk/Noise que sont Big Black, Rapeman et Scratch Acid. Les deux premiers occupent Steve Albini dans les 80's, avant qu'il ne devienne ingénieur du son sur la majorité des grands albums rock indé des deux décennies suivantes. Big Black annonce toute la scène noise rock à venir : guitares tour à tour stridentes ou lourdes et rythmiques tronquées. Scratch Acid est l'entité qui allait devenir Jesus Lizard, LE groupe noise des 90's. La boite à rythmes est ici aventureuse et versatile et s'accompagne du chant si reconnaissable de David Yow.

Chacun des groupes cités se définissent autant par leurs autres membres que par cette machine magique qu'est une boite à rythmes. Elle définit leurs sons autant que peut le faire le jeu d'un guitariste ou d'un bassiste et n'est jamais un simple beat interchangeable. Par son côté cheap et bien plus facilement transportable qu'une batterie, elle est porte aussi une dimension symbolique d'une certaine idée du Do It Yourself.


"La machine conduit l'homme à se spécialiser dans l'humain." Jean Fourastié

La machine, elle aussi, est cannibale.