Aujourd’hui, à la demande générale des chats du quartier et surtout
de ma voisine qui adore que j’écoute Karate en boucle, le post d'aujourd’hui
inaugure une nouvelle rubrique (qui en fait existe déjà mais qui n’avait pas de
nom (tu suis ? (triple parenthèse par amour des bonnes choses))) :
Désordre esthétique. Je vous vois déjà, vous tortillant d’extase à cette
nouvelle « oh oui, tonton cannibale, une nouvelle rubrique ». Point
de musique ici mais du goût pour le beau, de la passion pour l’image, du
fétichisme pour l’emballage, de l’amour pour la photo, bref, du style, des
couleurs, des typos, de la classe et des pochettes d’albums qu’on pourrait
regarder pendant des heures. Pour baptiser cette nouvelle vieille rubrique,
nous allons parler minimalisme, épuration, beauté par le peu.
Certains esprits extrémistes ne sont pas loin de penser que
pour faire une pochette de disque parfaite, il suffit de deux couleurs et d’une
typo choisies avec une science de l’agencement touchant au miracle. Ces gens de
goûts sont à l’origine d’une des vérités qui fait que le monde peut parfois
échapper à la laideur. Il suffit de se souvenir de 13 Songs de Fugazi pour se dire qu’il n’y a pas besoin de faire
beaucoup pour obtenir la perfection. Et comme le monde est bien fait et que la
logique réussi parfois l’étrange parie de s’inviter à la table du chaos, le hardcore
étant lui-même l’art de faire beaucoup avec peu, on comprend pourquoi le
premier exemple qui nous vient est le chantre du HxC made in Washington DC.
Bien des gens (pour le meilleur et le pire) derrière les visuels de groupes se
réclamant être les héritiers d’un certain esprit DIY punk et hardcore se sont
de tous temps essayés à la beauté qui tient à peu, à l’unique couleur qui fait
tout, à la ligne qui étant seule est une ligne que l’on remarque et qui nous
raconte des choses.*
Une bonne pochette d’album n’a, du moins à l’origine, pas
vocation à devenir un poster, une image qui se suffit à elle-même, elle ne doit
être que comme l’étiquette sur une bouteille ou plutôt, elle est le couvercle d’une
boite de pandore et n’est qu’une illustration d’un contenu. En cela, elle est
un format idéal pour l’abstraction, l’apparition d’aucune information n’étant
finalement nécessaire en son sein puisqu’elles peuvent être présentent
ailleurs, sur la tranche du boitier du disque ou sur un sticker. Les exemples
sont nombreux de disques à la pochette immaculée ou même sans pochette du tout.
Mais comme dit plus haut, les plus belles sont composées de deux ou trois
éléments : texte, couleur, photographie.
Je ne peux m’empêcher de citer une nouvelle fois Karate dont
les pochettes de Some Boots et Pockets sont des chefs-d’œuvre du genre.
La première et ses deux couleurs qui englobent une photographie, les verticales
qui se répondent et les jeux de couleurs sur la typo sont un miracle de
création visuel qui illustre à merveille le contenu du disque. La deuxième a l’idée
géniale d’utiliser un schéma pour toute illustration et de le présenter sur un
fond gris. La sobriété étant dans ces exemples un outil esthétique entièrement
au service d’une façon de faire, elle est une philosophie du carcan comme base
de création. Le minimalisme d’une pochette d’album devient alors un reflet de
ce que peut être la musique quand elle est limitée par une contrainte. Il est
un miroir à la question de tous temps : que peut-on faire de nouveau quand
ne dispose que d’une batterie, d’une guitare, d’une basse et d’un micro ?
Il est plaisant de se balader dans sa discothèque et d’y
chercher ces pochettes qui font tout avec peu et qui par leur simplicité apparente
sont le reflet parfait des disques qui finissent par devenir une partie
intégrante de nous-mêmes. Ils sont comme une photo ou un tableau qu’on garde
accrochés longtemps sur un mur, chaque fois que l’on pose un disque sur une
platine, le premier élément qui compose cette action est un fait visuel qui
nous guide. Et il est amusant de se rendre compte que souvent lorsque l’on
oublie le nom d’un groupe, il suffit de se représenter sa pochette dans notre
tête pour se le rappeler. Bien sûr, plus la pochette est épurée, plus cette
gymnastique est aisée.
*Certains esprits chagrins me diront qu’ailleurs ou même
avant, sous d’autres latitudes musicales, on faisait déjà dans l’épuration. Ils
me citeront les Beatles, Metallica et d’autres. Je leur répondrai méchamment
que l’album blanc est blanc pour faire couler de l’encre et n’est que le fruit
d’une démarche marketing, ils me répondront que je suis de mauvaise foi, ils
auront peut-être raison sur ce point mais pas sur la question qui nous
intéresse aujourd’hui.