7 septembre 2017

Fire Walk With Me

J'ai fini Twin Peaks hier. J'étais un peu triste mais surtout soufflé. C'est de loin, de très loin, l'objet télévisuel le plus jusqu'au-boutiste et extrême que j'ai vu de toute ma vie. C'est au-delà de tout, angoissant, violent, drôle, certes, mais très expérimental, porté par des effets spéciaux moins réalistes qu'oniriques et esthétiques, avec un côté rétro nous rappelant les premiers effets numériques.

Et puis l'histoire, dix-huit heures d'errance à travers les Etats-Unis partant dans des dizaines de directions mais réussissant à nous porter parce que Lynch sait faire naître la certitude qu'il sait ce qu'il fait et où il va même si, peut-être, ce n'est finalement pas le cas. Réussir à faire regarder à la télévision une série avec des épisodes entiers sans dialogues et sans histoire, savoir se baser tour à tour sur l'image et son pouvoir ou et sur une chronologie inédite puisque ayant commencé il y a plus de vingt-cinq ans, quel exploit !! Pourtant, rien n'est jamais acquis, on se demande souvent ce qu'on est en train de regarder et si la série répond à de très anciennes questions aujourd'hui ancrées dans la culture populaire, elle en pose des dizaines d'autres. La fin n'est pas une fin alors qu'on sait qu'il n'y aura plus de suite.

Malgré cela, malgré la frustration d'une attente non comblée, on sort de ces dix-huit heures comme d'un songe fascinant qu'on peine à s'expliquer. Le mystère Twin Peaks n'a jamais été aussi dense, les réponses apportées aussi satisfaisantes soient-elles ne sont que des images de surface derrière lesquelles de nouveaux labyrinthes de questions se creusent. David Lynch et Mark Frost ont réussi à rendre hommage à leur bête polymorphe tout en concassant leur jouet et les attentes des fans. Là où, il y a vingt-cinq ans, l'oeuvre jouait avec les codes des séries en changeant définitivement la face de la fiction télévisuelle, cette dernière saison change ce qu'est Twin Peaks et tout ce qu'on pouvait en attendre est révolutionné. Quand on se souvient que la presse craignait le fan service et le ramollissement, Lynch n'a ni fait cela ni tenté de révolutionner le monde des séries mais a utilisé son bébé comme une balle rebondissante (spolier), s'amusant de l'infinité des possibles que la bête Twin Peaks portait en embryon. Avec moins de 300 000 téléspectateurs devant leur poste pour chaque épisode, la série est à la fois un échec et le plus inestimable cadeau que le réalisateur pouvait nous faire : n'écouter que son envie et donner libre cours à son exploration d'un univers multiple qui restera le plus infini cauchemar que la télévision nous ait offert.


Pour la rentrée, sois cannibale !