Et puis un jour, Karate.
Il y a des groupes très rares, de ceux qui portent en eux
une certaine magie. Chez certains, cette magie se mérite et se révèle au bout
d’un quasi parcours du combattant avec, à l’arrivée, la satisfaction de
comprendre et d’apprécier quelque chose de supérieur, à la beauté complexe. Et
puis il y a ceux, peut-être plus rares encore, dont la magie apparaît
instantanément, comme une évidence, sans jamais faiblir, constante dans chaque
note, à chaque écoute. On les découvre et ce qu’on entend apparaît tel que chez
ceux qu’on aime et qu’on écoute depuis toujours. Ils font tout de suite partie
de nous. Karate est de ceux-là. Il y a quelques semaines, j’ai écouté un disque
d’eux presque par hasard. Beaucoup de disques tournaient chez moi et d’un coup,
il n’y eu plus rien à faire, il n’y eu plus que Karate.
On pourrait dire d’eux que c’est un peu Pinback en plus
lo-fi ou 31 Knots en moins mathématique, mais on aurait finalement rien dit.
Sur leurs trois premiers disques, une certaine orfèvrerie pop vous fait de
l’œil pendant que la complexité rythmique s’occupe de rendre chaque morceau
assez dense pour être toujours passionnant. Le tout a souvent des tournures
rappelant la sécheresse d’un Fugazi tout en étant capable de vous balader sur
les terres du jazz le plus aventureux. On pense aux vieux Tortoise au détour
d’une intro et on finit par comprendre que Karate est beaucoup plus que la
somme de ces petites choses qui nous en rappellent d’autres.
Sur In Place of Real
Insight et The Bed is in the Ocean, deux
pics de leur discographie, chaque riff, break ou mélodie de chant semble
parfaitement à sa juste place, tout semble couler de source et il n’y a jamais
rien de trop, aucun remplissage. Les deux disques apparaissent alors comme
touchés par la grâce, celle d’un rock indé à la modestie artisanale, ouvragée. De
la magie. Puis, on réécoute, on s’habitue, on attend telle cassure, telle
phrase chantée en début de morceau (« On Cutting », sublime), on
prend ses aises et cette collection de morceaux devient un labyrinthe duquel on
a appris à toujours savoir sortir mais dans lequel on aime à courir, jouer à se
perdre. On se demande alors : comment c’était la vie sans Karate ?
On se met tous au Karaté, on est tous cannibales.