9 décembre 2013

L'Empire des sens

Sed Non Satiata est un des meilleurs représentants du Screamo à la française, actif depuis 2005. Après une pause de trois ans jusqu'en 2011 et la sortie d'un superbe EP éponyme, ils reviennent aujourd'hui avec un nouveau LP enregistré dans le mythique studio Electrical Audio de Chicago.

Mappō en japonais c'est la dernière des trois ères qui composent un cycle dans la cosmologie du bouddhisme. Autant vous dire que ce n'est pas ça qui m'a aidé à entrer dans le nouvel album des toulousains. Car oui, j'ai véritablement eu du mal, depuis les premiers titres postés sur leur Bandcamp jusqu'au moment où j'ai pu entendre le disque en entier, je suis resté sur le bord du quai. Et c'était frustrant car je pressentais que si j'arrivais à sauter dans un wagon, j'aurai envie de me balader dans tout le train, de m'y perdre encore et encore. Je ne sais pas ce qui me donnait cette certitude mais il fallait que je m'acharne.

Alors je l'ai bouffé cet album, par petits bouts et en entier, en travaillant ou en lisant, dans le train ou mon salon, avec des amis et seul. Et petit à petit, j'ai réussi à me sentir à l'aise.
« Extrospection »et son riff de guitare, des fragments de textes qui me parlaient et même si l'ensemble me semblait toujours opaque, à cause de ce chant que je n'arrivais pas à m'approprier, une sensation faisait son chemin en moi, lentement. Et après un grand nombre d'écoutes, tout à fini par s'éclaircir.

Depuis je fais les cent pas à l'intérieur de ce disque, je m'y perds encore souvent, mais dans chacun de ses morceaux je sais retrouvé tout ce qui me plaît chez Sed Non Satiata. Une capacité à créer des ambiances qui collent si parfaitement à nos émotions et un sens de l'architecture musicale proprement renversant. Il n'y a qu'à écouter les huit minutes de « Soma » pour se rendre compte de cela, alors pourquoi aie-je mis si longtemps avant de l'entendre ? Certainement parce que le Screamo est musicalement tellement codifié qu'il est rare d'entendre un groupe sachant sublimer ces codes pour faire entendre sa singularité. Sed Non Satiata est clairement de ceux-là et vient de nous offrir un disque dont on se souviendra longtemps. Dans ce style musical où les surprises sont rares on n'avait pas vu ça depuis Y de Daïtro et c'était il y a quatre ans déjà.

« La singularité est subversive. » Edmond Jabès.

Sois Cannibale !

8 décembre 2013

Me, Myself and I

En 2012, le label Strut sortait une double compil intitulée Metal Dance et offrant un panorama de l'Indus, de la New-wave et du Post-punk des années 80. Cette années rebelote avec le volume 2 : au programme, beats figés, danses robotiques et mélodies glaciales.

"Eh, t'as écouté la nouvelle compil de Trevor Jackson ? Le truc sur les années 80 ?
-Ouais, c'est pas trop mon kiff à la base moi tout ce qui est Indus, EBM et tout ça... Je voulais quand même mourir moins con alors je l'ai acheté. J'te rappelle qu'on était ensemble !
-Ah ouais, c'est vrai... Moi c'est pareil, j'étais curieux d'avoir une porte d'entrée dans cet univers assez vaste, je ne savais pas trop comment faire tout seul. Pour ça, cette compil est géniale."

Entre une troisième personne...

"Salut les mecs, ça va ?
-Bah ouais, comme toi en fait... On parlait de la compile Metal Dance, la deuxième.
-Ah ouais, putain, j'adore. Le fait qu'il y est tant de trucs vraiment très différents et que ça soit si cohérent, c'est génial. J'ai découvert plein de groupes sur ces deux disques.J'aime beaucoup le premier disque, chaque titre est excellent sauf, et là franchement je ne comprends pas pourquoi avoir mis ça, "être assis ou danser" de Liaisons Dangereuses. La voix est vraiment horrible, on dirait un mauvais trip à la Kétamine à l'arrière d'une boite de nuit de province, je n'arrive pas à comprendre ce choix.
-C'est vrai, moi non plus. Alors que y a le titre de Logic System avec une voix française, ce titre est magique, j'aime beaucoup l'intro avec ce son saturé qui monte avec des bidouillages derrière jusqu'à ce que le clavier et la rythmique arrive.
-Ouais, et ce texte ultra glauque à moitié déclamé... Y a une atmosphère super bien rendu sur morceau, on dirait un récit de voyage intérieur, une sorte de trip super froid, c'est un de mes titres préférés. J'aime bien celui de Tuxedomoon aussi.
-Ah ouais, le premier, avec la grosse basse...
-Ouais, faut être dans l'ambiance, quoi.
-Moi j'aime bien Esplendor Geométrico, le beat avec les sons hyper stridents et les cris de possédés chelous qui donnent l'impression de s'entrechoquer avec la rythmique.
-Ouais, t'es bizarre toi.
-Bah c'est franchement le genre de musique que j'écouterai de moi-même, c'est en ça que cette compile est cool, elle ouvre une porte vers des univers, des trucs que je n'aurai jamais écouté sinon. 
-Y a le titre de Psyche aussi, avec la mélodie super simple et donc carrément entêtante. J'crois que c'est le seul titre des deux disques que j'écoute en boucle... Et cette voix, super grave... Avec ce titre je suis en terrain connu, un mélange Post-punk/New-wave, sombre et mélodique. Putain, mais c'est un tube en fait !
-Pfff, alors toi, t'as toujours aimé les trucs putassier.
-Bon bah ce premier disque est impressionnant, douze titres, une seule faute de goût.
-Non, mais moi le titre de Liaisons dangereuses, je le trouve rigolo... "Il ne peut pas s'arrêter de danser-é-é-é-é !
-J'te dis, t'es bizarre..."

 "Ah, sur le deuxième disque, mon ego est flatté, je connais quatre groupes... Ministry, j'en ai fréquenté mais des plus Metal, j'aime beaucoup ce titre : Bruyant, mélodique, pêchu...
-Ouais, enfin cette voix de mec qui donne l'impression de courir après la rythmique, moi je ne suis pas fan.
-Quoi ? Mais sur le refrain, ça fait des merveilles !!! T'es vraiment trop con, c'est vrai en fait, dès que c'est pas putassier, que la mélodie est un peu distordu, ça te plait plus.
-Moi, j'suis bloqué sur Chris & Cosey,  c'est obsédant, hypnotique et assez flippant. Un des titres les plus froids de la compil.
-Ouais, ça tourne en boucle un peu...
-Bah c'est le but aussi !
-Le morceau de Test Dept, j'sais pas pourquoi, j'y reviens souvent, il me donne envie de soulever des barres d'acier dans le desert de Gobi, entouré de serpents. Les serpents c'est sûrement à cause des sons qui fourmillent de partout, qui te sautent dessus puis s'en vont avant que d'autres te prennent par surprise.
-Y a pas chant, moi ça me gave !
-Ah oui toi, il te faut des chansons. CHBB, ça te parle plus ?
-Ah non, pour moi c'est l'équivalent du truc de Liaisons Dangereuses, j'ai vraiment du mal.
-Ahahah, j'adore, on dirai que le type dit "Il m'a niqué ma joie" en boucle.
-Pfff, non mais franchement, moi j'suis pas là pour me marrer, j'veux du brutal. Front 242, là on est dans le sujet, c'est glauque, on se prend des stalactites dans la tronche, c'est la nuit et on est perdu dans un labyrinthe de taules.
-J'suis carrément d'accord, c'est le morceau qui calme.
-Mouais, y a pas de chant...
-Haruomi Hosono, pour le côté bien chelou, les échos sur les voix, les boucles... C'est à la fois répétitif et progressif, ça se développe sans que tu t'en aperçoives. Le titre parfait pour faire ses comptes en enchainant les clopes.
-T'es bizarre, j'aime pas trop les gens bizarres.
-Godley and Creme, parce que le refrain qui dit "je veux faire des bébés avec toi toute la nuit" sur une musique de post-guerre atomique, je trouve ça super romantique. Ils avaient vraiment des soucis dans les 80's, je ne sais pas pourquoi ? Thatcher ? Le Sida ? Casimir ?
-J'l'aime bien aussi celle là, elle m'aide à m'endormir le soir, et quand à la fin du titre la voix se ralentir, je suis persuadé que c'est que je sombre. Alors je sombre.
-Ouais, trouve toi une nana, pour lui faire des bébés toute la nuit...
-The Mile High Club... Incroyable, y a qu'à cette époque qu'on arrivait à faire des titres à la fois guerriers, dansants et mélancoliques. Le mélange de voix féminines avec celle vocodée d'un mec, fait des merveilles.
-C'est vrai que je m'imagine assez me faire péter le nez, quitter par une fille, pleurer, danser et taper dans les mains sur les 6 minutes 30 de ce titre. C'est fou, on n'en fait plus des comme ça.
-Le reste du disque, bofbof... Doris Norton, on dirait le générique d'un JT crée par un mec qui aurait eu une mauvaise interprétation du cahier des charges à cause de son addiction au Prozac.
-Ouais, le début en mode "Flash spécial de notre rédaction". Vice Versa est génial, c'est court, c'est bon.
-Toi t'es fan de SF. Plus Instrument, ça me rappelle une prof d'allemand, sauf que sur cette chanson elle ferait un strip-tease et c'est horriblement sale.
-Ahah, et on a le pendant masculin avec Conrad Schnitzler.
-Complètement... Neon, on est en territoire connu, Post-punk des steppes arides. Tu veux bien augmenter le chauffage ?
-Ah bah, il reste que Arthur Brown & Craig Leon, et on aura parlé de tout le disque... J'aime assez celui-ci, grosse basse, j'aime bien le chant, ça me fait vaguement penser à Talking Heads.
-Mouais... Le deuxième disque est moins bien, beaucoup de déchets... Ou alors c'est des trucs d'esthètes et on est trop cons pour y comprendre quelque-chose.
-On a moins parlé du premier disque, il est vachement mieux !
-Boarf, il suffit de l'écouter..."


"L'histoire de l'industrie est le livre ouvert des facultés humaines." Karl Marx. (Putain, imagine Karl Marx danser sur Liaisons Dangereuses...)


Fait des bébés toute la nuit et sois cannibale.