19 septembre 2014

Without Warning

Il y a une petite quinzaine de jours, je me suis enfin décidé à chercher sous le matelas quelques petits billets de couleurs pour m'acheter le coffret réunissant les trois premiers albums des Wipers. Un truc qui d'apparence ne paye pas de mine, moche boite de plastoc, mais qui rassemble l'intégralité des morceaux de Is This Real?, Youth Of America et Over The Edge, ainsi que pas mal de démos et des titres sortis sur des EP. Depuis je me sent comblé de musique comme un jour fantasmé d'anniversaire, pour longtemps.

Quand en 79 sort Is This Real?, les Wipers sont déjà différents de ce qui se fait partout sur le vaste territoire des Etats-Unis. Plus mélodique ou beaucoup plus lent comme sur les incroyables "D-7" et "Potential Suicide", le groupe arrive avec une petite dizaine d'années d'avance sur le gros de la vague indé. Autant dire qu'à l'époque ça devait faire tout drôle tant à l'écoute aujourd'hui on pense à Nirvana, à la dernière période de Hüsker Dü, à Sonic Youth sur le passage noise de "Youth Of America" (un morceau punk de 10 minutes en 81, faut oser) ou plus généralement à toute la scène post-hardcore made in Dischord qui ne naît qu'au milieu des 80's.

Et si les Wipers sont précurseurs, finalement on s'en fout un peu, parce que l'autre observation qu'on se fait à la découverte de ces trois albums, c'est qu'ils sont véritablement excellents. Le premier reste le plus efficace et direct avec des tubes punks comme "Mistery" ou "Window Shop For Love". Il est rempli de mélodies instantanées sans être trop faciles et déborde d'une énergie redoutable, tout à fond. Il est pour moi l'exemple de l'album punk parfait : honnête, frontale et sans concession. Et pourtant déjà ces quelques titres lents, glaciaux...

Youth Of America souffre certainement de la présence de son morceau-titre qui rend le reste de l'album un peu anecdotique, véritable brûlot de dix minutes, hurlé, viscéral et totalement autre pour l'époque. Enfin il y a tout de même "No Fair" qui démarre froid, lancinant, figé et pourtant terriblement magnétique avant de décoller en une sorte d'hymne sombre.

Puis c'est la claque Over The Edge. L'album démarre direct par "Over The Edge" et ça fonctionne d'entrée, c'est immédiat. La voix est devenu pour éraillée, on se croirait presque chez Fugazi, bien avant l'heure. Il y a ici un côté émotionnel que tous les fans de post-hardcore ne peuvent qu'apprécier. Les morceaux incroyables s'enchaînent les uns après les autres : "Doom Town" est presque motorique, on pense aux Thugs et on est encore surpris. "No One Wants An Alien" te prend par la main pour te présenter un sale constat. Il faut parler de ces textes, premier degré mais aussi parlant que sombres, non plus désespérés mais déjà résignés. Et puis, il y a "The Lonely One" dont la voix sur le refrain évoquera bien des souvenirs à ceux qui ont grandi en écoutant Nirvana. Un morceau de grunge bien avant la lettre mais surtout d'une intensité émotionnelle allant crescendo, un véritable chef-d'oeuvre sur un album qui l'est tout autant.

Et ce ne sont que les trois premiers albums...

"It's not the truth I see. It's just a mockery. Don't need to waste my time. You know I've really tried. You take and never give. It get's so hard to live. I'm hangin on a ledge. Pushed straight over the edge." "Over The Edge".

"Certains sentent la pluie en avance, d'autres se contentent d'être mouillés." Henry Miller

Cours t'abriter, sois cannibale !

13 septembre 2014

Final Cut

Il arrive parfois qu'on tombe sur un groupe dont on n'a jamais entendu parlé, qu'on écoute son dernier LP d'une oreille distraite et qu'on se retrouve avec son nouveau groupe fétiche. Tout simplement.

The Austerity Program c'est facile, c'est deux types et une boite à rythmes et Beyond Calculation est une suite de huit morceaux plus ou moins longs. On sent tout de suite que quelque-chose de pas très habituel se passe quand on écoute pour la première fois. Puis suivent deux cents autres sans qu'on comprenne vraiment pourquoi. Car The Austerity Program est insidieux et malin, il garde son morceau le plus accessible et le plus mélodique pour le placer en fin d'album, s'arrange pour en faire une claque ultra addictive, te forçant par là à remettre le disque au début, encore et encore.

Pire. L'écoute répétée rend l'impact de ces quelques titres de plus en plus frontal. Cette rythmique simple et répétitive qui joue avec la mesure, doublée par une guitare appuyant la frappe, te découpe la tête patiemment en 38 petites minutes à l'aide d'un rasoir rouillé et taché de graisse. Tout cela te laisse pantelant, simple corps idiot cherchant à retrouver sa petite tête et ses esprits, dans le but assez incompréhensible d'avoir l'intelligence nécessaire pour rappuyer sur lecture. Et de te refaire couper en deux, comme ça pour le plaisir, ad vitam æternam.


Un disque court, coupant et sale, du noise-rock qui réussit à ne pas sonner comme mille autres groupes par la magie jouissive d'une boite à rythmes, une recette si simple qu'on reste surpris qu'elle fonctionne aussi bien. Il n'en fallait finalement pas plus pour tenir une nouvelle marotte qui fait du bruit en cassant de l'os.  

"Tout est bruit pour qui a peur". Sophocle

Pose ton cartable, mets un disque et sois cannibale