11 juillet 2014

Before Midnight

Depuis le temps que j'espérai pouvoir voir Bâton Rouge sur scène, qui plus est accompagné pour l'occasion de Torino, l'autre groupe du bassiste Gwen : le rendez-vous de ce vendredi 4 juillet semblait immanquable. Et pourtant...

Le concert qui devait se dérouler à la Mécanique Ondulatoire dans le 11e me donnait une bonne occasion d'aller traîner autour de Bastille avec quelques amis. Finalement, un fâcheux dégât des eaux a forcé les organisateurs à trouver un autre lieu, un bar juste derrière le périph' à Bagnolet. Le temps de boire quelques verres rue de la roquette et de prendre le métro, nous arrivons dans un petit endroit. Il fait chaud très chaud, il n'y a pas beaucoup de monde mais qu'importe, ceux qui sont là le sont pour une bonne raison.


23h. Le temps de s'assurer que nous n'arrivons pas trop tard et de commander une bière, Bâton Rouge commence à s'installer. Je suis un peu déçu d'avoir louper Torino dont le premier EP n'en finit pas de tourner sur ma platine. Les premier accords résonnent et déjà la chaleur et l'alcool ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Le set mélange avec équité les morceaux de Fragments d'eux-mêmes et de Totem, le petit dernier. L'ambiance est chaleureuse, le groupe humble et dans la petite foule qui l'entoure, on surprend quelques visages souriants ou en train de scander des bribes de paroles. Le temps court après lui-même, il est déjà l'heure de la fin. À la demande de quelques voix, le groupe joue un dernier morceau. Ce sera « Sur un banc » dont le refrain est repris en chœur par tous. Une dernière bière, quelques paroles échangées avant de repartir, un vinyle sous le bras.

3 juillet 2014

Choses Secrètes

Parfois, on s'en tamponne de l'actualité musicale et cela même, comme en ce moment, quand elle est riche et pleine d'énormes claques. C'est simplement parce que quelque-part dans sa mémoire, on a retrouvé l'idée d'écouter un assez vieux disque de Nick Cave. Il s'agit de No More Shall We Part et, grand problème, remettre le nez dans ce disque, comme ça innocemment, peut vite finir par devenir un but en soi, presque un projet de vie. "Tu fais quoi pour les vacances ? -J'écoute Nick Cave." Impressions.

Ça commence tout de suite par "As I Sat Sadly By Her Side" et on entrevoit dès ce morceau qu'il va être difficile de sortit de cet album. D'abord il y a cette mélodie, toute simple mais terriblement prenante, et la voix du grand Nick qui vient nous prendre sous son aile démesurée pour nous raconter une histoire. Ou plutôt vient-il pour nous montrer une scène, un dialogue entre deux amants. Les paroles sont sombres et mélancoliques à souhaits : "God don't care for your benevolence/Anymore than he cares for the lack of it in others". Une entrée dans l'album comme un début de film, le noir dans la salle vient de se faire, l'ambiance commence à se distiller. On est dedans.


"Hallelujah", et ses presque huit minutes, l'ambiance est déjà installée, on peut rentrer dans le vif du sujet. Après une introduction avec une lente mélodie au violon, la voix arrive et nous emporte très loin, tout au fond de nous-mêmes, là où il peut faire très froid ou très chaud selon l'humeur. C'est surtout là que se trouve notre âme et c'est à elle qu'on s'adresse ici. Depuis que j'écoute cette chanson, je me surprends souvent le soir, une cigarette à la bouche, à scruter la nuit. Si j'y trouve quelque-chose est une autre histoire... Enfin, il y a cette fin, ces chœurs féminins qui viennent parachever la violente mélancolie qui nous prend à la gorge. Forcément, on laisse le disque tourner, on n'a plus rien à faire d'autre aujourd'hui, si ?


Plus loin, "Fifteen Feet Of Pure White Snow" continue dans le storytelling sombre. Tout le monde est partis, les filles n'ont pas mis leurs mitaines, y a pas mal de neiges dehors et Nick s'inquiète. Le titre revient tout au long de la chanson, il tient lieu de refrain et donne lieu à des envolées presque lyriques, tous chœurs dehors et d'une beauté grisante. Ici encore, la capacité du monsieur (et des Bad Seeds) à nous plonger dans une histoire, à créer une tension et à nous donner à voir des images fortes, est saisissante. 


"God Is In The House" est un cas à part. La musique voudrait nous faire croire que, oui, dieu est partout autour de nous et que tout le monde est heureux. Mais le texte ironiquement, dit tout le contraire. "Queer bashers with tyre-jacks/Lesbian counter-attacks/That stuff is for the big cities". Nick se moque du tout beau, tout bien rangé et pour le dernier couplet, sa voix se fait gutturale et menaçante. Une merveille de cynisme.


"Oh My Lord" est un autre point culminant du disque. L' histoire noire et dure comme une pierre tombale d'un homme qui subit une sorte de malédiction. Côté musique, le morceau monte doucement et est tendu comme les cordes du destin (ouais, ouais), il culmine chaque fois que Cave implore "Oh Lord, oh my lord" avant d'exploser sur les deux dernières minutes : une montagne d'émotions. On ne peut pas se défaire de ce morceau et de son histoire empreinte de gothique et d'un certain romantisme noir.


Juste avant la fin de ce merveilleux disque, il y a "Gates To The Garden", une chanson si triste et belle qu'elle nous oblige, par son magnétisme, à remettre le disque à son commencement, encore et encore. Il n'y a pas d'échappatoire possible et, quand on sait qu'ils sont nombreux les albums du grand brun a avoir cet effet, on se dit que l'hiver arrivera bien vite. Mais attends ? Il fait beau dehors... Oui, j'irai peut-être demain. Le beau temps attendra, lui aussi encore et encore.



"when you think you're climbing up, man / In fact you're climbing down"


Va courir par les rues chaudes et lumineuses ou sois cannibale.