28 novembre 2014

Interview Michel Cloup Duo 21/11/2013

C'était il y a un an, et aujourd'hui alors qu'est annoncée la réédition de l'album #3 de Diabologum (pour janvier), il est bon de se souvenir que pendant presque un année Minuit dans tes bras a fait un grand bout de chemin, dans les salles de concerts et dans l'intimité de nos platines sur lesquelles il tourne encore. Un an après, c'est sûr, le deuxième album de Michel Cloup Duo est un très grand disque. de ceux qui restent et resteront. Voyage dans le temps : nous sommes le 21/11/2013, Michel Cloup et Patrice Cartier s'apprêtent à monter sur la scène du Carré Belle-feuille du festival BBmix. Ils nous parlent de l'album alors encore à venir, d'amitiés, de tournées, du plaisir de n'être que deux et du passé, mais juste un tout petit peu.

Votre nouvel album sort le 27 janvier 2014. Vous pouvez nous en dire plus ?

Michel Cloup : C'est à dire ? (rires) Qu'est-ce que tu veux qu'on dise ?

Eh bien tout, il s'appelle comment déjà ?

M-C : Il s'appelle Minuit dans tes bras, c'est un album avec sept chansons dont certaines très longues. C'est un peu une continuité de notre silence tout en étant quand même un petit peu différent. Il est moins intimiste, un peu plus rock et plus bruyant. C'est un peu le résultat de deux ans de tournées. À l'époque, quand on a écrit Notre Silence, on ne jouait pas encore, c'était vraiment les débuts du projet. Donc c'était un album qui a été écrit et une fois qu'il a été écrit, on a fait des concerts. Après ces deux ans de concerts, on avait envie de revenir à quelque-chose d'un peu plus rock. C'est un disque qui part dans plein de directions différentes et c'est un peu un développement de ce qu'on avait jeté comme base dans Notre silence. On est allé plus loin dans certaines options qu'on avait prises, on a creusé un peu plus. À la fois sur le côté chanson, il y a des titres très chanson, beaucoup plus que sur notre silence. Et il y a des morceaux, au contraire, très rock, beaucoup plus furieux. Il y a un morceau très long qui s'appelle « Minuit dans tes bras » qui est un peu dans la continuité du morceau « Notre silence » mais qui est aussi très différent.

Patrice Cartier : La scène a beaucoup influencé le disque. On a trouvé une nouvelle énergie et le premier disque a aussi pris une autre tournure sur scène. Donc c'est un aboutissement au niveau de l'énergie, beaucoup plus rock.

Est-ce qu'il y avait dès le début l'envie d'une continuité, le projet d'avoir une suite ?

M-C : Pour moi oui, mais le projet a été construit bizarrement, c'est à dire qu'au départ, j'ai commencé à travailler seul parce que j'avais l'opportunité de faire un concert seul. On m'a proposé un concert et je ne savais pas trop ce que j'allai faire. À ce moment là, je recommençais à faire des chansons et j'ai contacté Patrice. On était les deux seuls d'Expérience et de Binary Audio Misfits à être sur Toulouse. On avait déjà fait un concert juste tous les deux en duo et naturellement j'ai appelé Patrice pour qu'on essaye de voir ce qu'on pouvait faire. On a donc mis en place un concert en quelques jours avec des nouveaux titres. Quelque-chose d'un peu fragile. Après on a commencé à travailler sur le disque, à tourner, et on a commencé à bien aimer ce projet en duo. L'album est sorti, l'accueil a été bon et on a beaucoup, beaucoup tourné, pendant plus de deux ans. Donc ça continue sous cette forme là, même si au départ on ne savait pas forcément où on allait. Au départ, j'ai commencé seul et le premier EP s'appelait Michel Cloup parce que c'était plutôt un truc solo et au fur et à mesure, avec Notre Silence et tout ce qui a suivi derrière, on est parti sur cette formule duo.

P-C : Il y avait quelque-chose d'excitant, c'est qu'on était tous les deux devenus des machines avec Expérience, on faisait des concerts, on n'arrêtait pas, on était assez sûr de nous et là ça faisait un peu peur de se retrouver seuls tous les deux sur scène. On avait peur mais c'était assez excitant.

M-C : De se retrouver sur le fil, juste à deux, on a trouvé une sorte de musicalité qu'on avait pas dans des projets où il y avait plus de gens. En se retrouvant à deux, y avait une vraie liberté d'interprétation des morceaux. Il y avait vraiment quelque-chose qui nous a rapproché musicalement, qui était très excitant et qu'on n'avait pas vraiment connu avant. Parce que, forcément, sur une formule avec plus de musiciens, il y a toujours plus de contraintes. Alors qu'à deux, juste une guitare et une batterie, il y a une grande liberté. Ça a été comme un nouveau départ, on est repartis de zéro. Ça faisait quand même dix ans qu'on jouait ensemble avec Expérience et BAM! Et ça a été un peu comme un nouveau départ même dans notre façon de faire de la musique. Après le futur, on verra. L'idée que j'avais au départ c'était de ne pas avoir de contrainte de groupe, d'être obligé. On est deux, si l'un de nous en a marre il peut arrêter. Ensuite, peut-être que si on finit par sentir qu'on a fait le tour de cette formule à deux, peut-être qu'on jouera avec une troisième personne. On veut se laisser la liberté d'évoluer comme on en a envie mais pas de se faire enfermer dans un groupe.

P-C : Faut que ça reste simple.

Vous parliez de la tournée, qui a été super longue, presque sur deux ans je crois.

M-C : Oui, même plus parce qu'on avait fait une vingtaine de concerts avant la sortie de l'album.

Le fait que cette tournée ait tant duré et que les retours ait été si bons, est-ce qu'au moment de penser à Minuit dans tes bras ça a été facteur de pression ?

M-C : Oui et non. Non parce qu'on avait déjà commencé à écrire juste après la sortie du premier album.

P-C : Une fois qu'on l'a mis en boite, on a eu des doutes.

M-C : Y a eu des doutes, de la pression parce que le premier avait été vachement bien accueilli et qu'on avait pas envie de resservir la même soupe et de refaire exactement la même chose. Quand on part sur quelque-chose de différent on a toujours des doutes. Y avait moins de doutes pour le premier.

P-C : Y avait pas d'enjeu pour le premier. Le deuxième c'est toujours un peu dur de se ramasser si jamais on te rabâche que le premier était mieux. C'est toujours un peu angoissant. Mais tant qu'on s'amuse sur scène, finalement on ne s'inquiète pas trop.

Le premier était autoproduit et Minuit dans tes bras sort sur Ici d'ailleurs, comment s'est fait la connexion ?

M-C : J'étais en contact avec Ici d'ailleurs pour la distribution de Notre Silence, je passais par eux pour avoir une distribution chez Differ-ant. De fil en aiguille, juste avant d'enregistrer Minuit dans tes bras, on s'est demandé si on recommencé en auto-édition ou si on essayé de trouver un partenaire. Sur Notre Silence il y avait juste un tourneur qui nous trouvait des concerts et un distributeur pour le disque mais pas du tout de label derrière. Là, Pascal de Mendelson m'a annoncé qu'ils allaient travailler avec Ici d'ailleurs et j'ai parlé à Stéphane du label de l'idée de s'associer à eux pour cette sortie. On s'est appelé plusieurs fois, moi j'étais très retissant sur l'idée de retravailler avec un label parce qu'on a eu beaucoup de déconvenues après la fermeture de Lithium, avec certains gens avec lesquels on a travaillé après, pas tous mais certains. J'étais un peu frileux, surtout que pour le premier ça s'était plutôt bien passé, ça avait été une sorte de victoire. En discutant avec Stéphane, on est parti sur une manière de travailler qui n'était pas une manière traditionnelle de label, même en termes financiers on ne travaille pas comme moi j'ai travaillé par le passé avec des labels. Ici d'ailleurs existe depuis la fin des années 90 donc on a un peu commencé au même moment, on en est un peu au même âge. Quand on s'est parlé on s'est compris. La communication a été facile et j'ai tout de suite senti que ce n'était pas quelqu'un qui essayait de me jouer un tour de flûte et de me faire croire n'importe quoi. Il avait envie de sortir le disque, avec toutes les réserves qu'on peut avoir aujourd'hui sur le fait de sortir un disque. Il avait un discourt assez passionné mais sensé qui m'a bien plus. Pour l'instant ça se passe plutôt très bien.

Comment est venue l'idée de sortir les deux 45t avant l'album ?

M-C : L'idée est qu'on savait déjà plus ou moins ce qu'on allait enregistrer. Je voulais donner une ligne à l'album au niveau des textes. On avait deux titres en plus qui d'après moi ne pouvaient pas figurer sur l'album. Ils n'étaient pas forcément raccords avec le reste du disque mais on avait envie de les garder. Donc à un moment, je ne sais pas, je me suis dit que ça pourrait être drôle de sortir deux 45t et d'enchainer sur l'album. Au départ, quand on en avait parlé avec Patrice, on voulait sortir un 45t, l'album puis un deuxième 45t. Au même moment, j'ai vu les peinture qu'on a utilisé en pochettes et on s'est dit que ça pourrait être génial, en plus de l'idée d'avoir les deux singles, d'avoir ce truc un peu raccord et que chaque peinture colle soit aux deux chansons des singles, soit à l'ambiance de l'album. Ça donnait donc une sorte de triptyque, chacun était un peu différent mais les trois fonctionnaient avec chaque format, chaque disque et chaque chanson. J'en ai parlé avec le label qui a trouvé l'idée bonne et on l'a fait. Tout simplement !

Il y a aussi deux clips pour chacun des singles. Ils ont été réalisés par Béatrice Utrilla, avec laquelle tu travailles assez souvent.

M-C : J'ai rencontré Béatrice dans les années 90, à l'époque de Diabologum. J'étais tombé sur des photos à elle dans un catalogue d'une de ses expos, on cherchait des photos pour la pochette du numéro 3. J'ai beaucoup aimé son boulot, c'était une amie d'une amie. On a sorti l'album de Diabologum et on est resté en contact, on est devenu très proches. J'ai fait beaucoup de sons et de textes pour ses images. On a travaillé sur des films, sur des installations, tout un tas de choses différentes depuis la fin des années 90. Aujourd'hui, dans nos boulots respectifs il y a un truc qui fait écho. On aime beaucoup travailler ensemble parce que c'est hyper simple. On n'a pas besoin de beaucoup discuter pour arriver à bien travailler. Elle avait déjà fait des choses pour nous, elle avait fait une pochette pour Expérience. On lui a proposé de travailler sur ces clips. J'aime bien l'idée de collaboration qui s'étale sur le temps. J'aime bien les choses qui durent et qui se développent. J'aime aussi les collaborations passagères mais vraiment j'aime l'idée de travailler avec des gens à un certain moment et de continuer ça sur le long terme même si ce n'est pas un projet principal. On va faire quatre soirées avec des invités pour la sortie de l'album et Béatrice fera partie de ces invités. Elle va nous faire une projection, un truc un peu particulier pour les concerts.

J'allai demander si c'était prévu qu'il y ait des images sur scène.

M-C : ça ne sera pas systématique, ce sera ponctuel pour quatre concerts où il y aura d'autres invités. Mais c'est vrai qu'on n'a pas forcément envie de travailler avec des images, au contraire. On a vraiment envie de se focaliser sur le live, parce qu'on joue vraiment beaucoup, il y a une interactivité entre nous.

P-C : Il faut que ça reste brut.

M-C : On a envie que les concerts en duo restent quelque-chose d'assez brut et d'assez vivant.

P-C : C'est vachement plus difficile de faire focus essentiellement sur la musique sans la lumière, la vidéo. C'est un truc qu'on a déjà exploité dans Expérience.

M-C : On faisait ça dans Expérience en 2001-2002, on fait beaucoup de concerts avec de la vidéo. On a arrêté parce qu'on avait l'impression que les gens regardaient la télé. Je trouve que la vidéo c'est bien quand tu dois habiller une performance. Avec Béatrice, on fait des performances depuis l'an dernier sur ses images, j'ai incorporé une musique que je joue en live et elle manipule des séquences, c'est vraiment focalisé sur l'image. Mais je trouve que pour un groupe de rock, c'est souvent un piège. On a arrêté de le faire avec Expérience parce que les gens ne regardaient pas ce qui se passait sur scène. Pour le coup, il se passait des choses sur scènes.

P-C : Et notre attitude a changé aussi. On est plus en communication avec les gens. C'est vrai que c'est assez frustrant de jouer et de voir les gens qui regardent derrière. Là, c'est bien quand il y a une confrontation directe.

C'est vrai, je vous ai déjà vu deux fois sur scène, qu'on ressent l'interaction qu'il y a entre vous deux.

M-C : Le problème des images, tu le vois quand tu invites des gens chez toi, si on fait une fête avec des gens et qu'on allume la télé, plus personne ne va discuter et tout le monde va regarder la télé. Même si il n'y a pas le son, les gens vont regarder l'image. Tu vois dans les bars, les gens boivent des coups et si il y a une télé allumée, les gens la regardent. Ils ne parlent plus, ils regardent la télé. Les concerts c'était un peu devenu ça et ce n'était pas très excitant. Le projet avec Béatrice, ça ne va pas être un robinet à images, il va y avoir des images de temps en temps mais il va y avoir une manière d'amener les images.

P-C : C'est aussi un autre contexte. C'est pas un concert de rock.

M-C : Oui, et sur les concerts duo on préfère le côté très rock et même ne pas avoir forcément beaucoup de lumières.

Il y a aussi, une nouvelle fois, une participation de Françoise Lebrun, est-ce que c'est encore un extrait de film ou un texte écrit pour le morceau ?

M-C : C'est un texte écrit pour le morceau. Quand on a fait le concert de reformation avec Diabologum, Françoise nous a contacté une semaine avant pour nous rencontrer, via un ami commun, et éventuellement faire quelque-chose avec nous sur scène. On n'y croyait pas beaucoup. Finalement, on s'est rencontré, on a fait ce truc là qui s'est fait la veille avec juste une seule répétition, c'était très spontané. Ça a été assez bouleversant, c'était le concert de reformation de Diabologum plus Françoise Lebrun qui arrive en vrai à la fin. Pour être honnête, c'était vraiment bouleversant. Ça s'est un peu passé comme avec Béatrice Utrilla, je suis resté en contact avec Françoise. On s'est revu plusieurs fois, on a fait une intervention dans un cinéma pour présenter La Maman et la putain et parler aussi du rapport entre le morceau de Diabologum et le film. Au moment du nouvel album, comme le rapprochement s'était toujours fait au travers de La Maman et la putain, pendant quinze ans les gens parlaient de Diabologum à Françoise et nous on nous parlait du film. Je me suis dit, voilà, on est devenu amis, je sais que Françoise ce n'est pas juste ce film-là, nous non plus d'ailleurs mais dans l'esprit de plein de gens c'est ça. J'ai eu cette idée, je n'osais pas trop au début, je flippais quand même un peu. Parce qu'inviter Françoise, écrire un texte, la faire intervenir sur un texte, après La Maman et la putain, c'était un peu casse-gueule (rires). J'ai écrit un texte et je lui ai envoyé en lui proposant de participer et elle a été enchantée et ravie. Elle a fait sa prise voix à distance. Et, c'est un peu comme quand on travaille avec Béatrice ou comme quand on a bossé avec Pascal de Mendelson, ce sont des choses qui coulent de source. Je n'ai pas eu besoin de passer quatre heures au téléphone à expliquer à Françoise ce qu'elle devait faire. Elle est arrivée, on était même pas là à l'enregistrement, c'est un copain qui a enregistré sa voix, elle a écouté une fois la musique, a demandé qu'il la coupe et elle a enregistré sans la musique. Le pote m'a envoyé la piste voix et en studio j'ai dit « tiens, c'est là que ça rentre », j’appuie sur le bouton, on a enregistré la piste depuis l'ordinateur vers le magnéto à bandes et c'était juste génial !

Oui, pour l'avoir écouté, ce morceau est vraiment incroyable.

M-C : Oui, c'est un chouette morceau et à la fin, sa voix, c'est magnifique. Donc au final, c'était une grosse trouille mais en fait c'était cool ! (rires)

P-C : C'est un morceau assez particulier. Pendant l'enregistrement, il y a un truc qui est sorti comme ça, un peu de nulle-part.
M-C : C'est parce qu'au début, c'est des bouts de morceaux, des choses que j'avais à la guitare, d'autres qu'on avait joué et ça s'est mis en place une semaine avant l'enregistrement. On l'a pas vraiment mis en place, on l'a joué un peu comme des jazzmen. On l'a un peu répété, on a fait qu'une seule prise en studio, y a aucun overdub, tout est joué live. C'est le seul morceau de l'album qui est comme ça. C'était pourtant le morceau qu'on avait le moins répété et qui était le moins écrit. C'était assez incroyable.

D'ailleurs, est-ce qu'il y a une différence dans votre travail commun dans la préparation de cet album par rapport au précédent ?

M-C : C'était un peu pareil.

P-C : Disons que là on avait deux ans de tournée ensemble dans les pattes.

M-C : On avait plus joué ensemble.

P-C : Musicalement, on se connaît très très bien. Ça fait quand même un petit moment qu'on joue ensemble. L'écriture était différente parce que l'histoire qui est raconté est complètement différente. Moi je me sens plus impliqué là qu'il y a deux ans. Ça fait partie d'une autre histoire, de trucs beaucoup plus personnels auxquels j'ai assisté. C'est une question que je ne pose pas vraiment, quand tu joues avec quelqu'un, ça ne s'exprime pas vraiment par des mots.

M-C : Mais même à l'époque de Notre Silence, les morceaux s'étaient mis en place ensemble. L'essentiel de l'album s'était mis en place en trois jours, moi j'avais les textes finis, des accords et des mélodies mais c'était pas terminé.

P-C : On avait vraiment la même envie au même moment et ça s'est vraiment fait simplement. C'était hyper agréable. Ça faisait un moment qu'on traînait la patte, qu'on savait pas trop et d'un coup...

M-C : Ça a été magique.

P-C : C'est ça et après avec les concerts, ça a fait que monter, monter. Je pense que toi aussi mais moi musicalement, je me suis vraiment épanoui ces deux dernières années. Je me suis vraiment éclaté comme jamais auparavant. Pourtant, c'est beaucoup plus simple mais le fait que ce soit un peu épuré au niveau instrumental, le tempo qui est vachement lent. Du coup, ça laisse le temps de respirer, de se poser, de créer une ambiance. On ne court pas derrière la montre, ce ne sont pas des morceaux où il y a un début et une fin, on choisit un peu la fin si on a envie de la changer. Et ça c'est intéressant, raconter des histoire comme ça, c'est beaucoup plus intéressant.

M-C : Après le nouvel album s'est vachement construis, comme on était tout le temps en tournée, parfois on faisait déjà tourner les morceaux en balances pour bien les répéter, les nouveaux morceaux. On ne les jouait même pas en concert. À un moment donné, on était un peu prisonniers de Notre Silence parce que c'était un peu dur de jouer autre-chose et de mélanger. D'ailleurs là sur les sets qu'on fait en ce moment, on ne met pas de morceau du premier album. On se focalise sur le nouveau. Minuit dans tes bras s'est peut-être un peu plus fait tous les deux puisqu'on tournait. Dès que j'avais un riff de guitare, une bribe de morceau, hop on travaillait ensemble et ça s'est beaucoup construis comme ça. C'est à Rome aussi qu'on a vraiment commencé à travailler sur l'album.

P-C : C'est là qu'on a senti le tournant par rapport au premier album.

M-C : On est partis à Rome pour faire un résidence, on devait travailler une semaine à la villa Médicis avec un musicien italien. Finalement, ça ne s'est pas fait parce qu'il était malade. Il rentrait de tournée et il est tombé malade. Donc, on s'est retrouvé une semaine à la villa Médicis dans une espèce d'ambiance de chapelle. On s'est donc dit qu'on pouvait bosser pour nous. Il n'y avait pas vraiment de morceaux terminés à la fin de la semaine mais tout s'est joué là, est sorti de là. La version longue du morceau « Minuit dans tes bras » c'est un truc que j'avais enregistré à Rome. On l'avait bossé à deux là-bas mais j'avais aussi fait une petite vidéo sur internet avec ces espèces de sons et de riffs. Toutes les bases de l'album sont arrivées là et ça a mis presque un an à se construire petit à petit et c'est marrant parce qu'avec le recul, tout est parti de Rome alors qu'en rentrant on avait aucun nouveau morceau de réellement terminé. Mais on avait plein de pistes différentes qui étaient parties de là.

Pour les textes, est-ce qu'ils naissent avant la musique, après ou est-ce qu'il n'y a pas de règle ?

M-C : Y a aucune règle. Il y a parfois des riffs qui donnent naissance à un texte, parfois ça arrive en même temps. Ça arrive aussi qu'avant j'ai du texte, des phrases. Parfois, à partir de plusieurs textes que j'ai écrit, j'ai juste un couplet. C'est vraiment une sorte de cuisine qui se fait de manière hyper aléatoire, il n'y a absolument aucune règle.

Est-ce que ça te prend beaucoup de temps pour arriver à cette sorte d'intimité que dégagent les textes ? Il y a ce côté autobiographique mais pourtant aussi un peu universel qui peut toucher tout le monde.

M-C : Du temps ? Non, généralement ce que je garde ce sont les choses qui sont arrivées les plus vite. Les trucs super laborieux où il faut réécrire et réécrire pour arriver à quelque-chose, en générale ça ne donne rien. Les meilleurs trucs se font plus vite. Après, ça peut arriver que je m'obstine sur un texte et que ça ne marche pas alors je jette à la poubelle, je récupère des bouts, des phrases mais en générale les choses les meilleurs sont celles qui sont venues le plus facilement. Les trucs laborieux ça ne débouche sur rien. Quand ça ne marche pas, ça ne marche pas. Avant, je m'obstinais beaucoup plus. Même pour la musique, il faut que le truc coule vite et que ça marche vite. Si il faut trop travailler sur un morceau, même si l'idée semble bonne, c'est qu'il y a un problème à la base. Au final, c'est beaucoup de travail pour rien. Aujourd'hui, on a un meilleur discernement, on commence beaucoup de trucs mais on en garde finalement pas énormément.

Pour finir, la fatale question nostalgie. Je crois qu'il était question pendant un moment d'une réédition du dernier album de Diabologum.

M-C : Oui, enfin on a toujours rien fait, pour l'instant on n'en parle pas mais un jour ça viendra. C'est sûr qu'on le fera, j'espère pas dans quinze ans mais ça se fera. Il va falloir qu'à un moment, on se prenne par la main et qu'on arrive à le faire.

C'est un disque qui a une place particulière dans l'esprit de beaucoup de gens.

M-C : Oui, mais peut-être que si on le réédite ou qu'il avait été réédité depuis dix ans, personne n'en aurait rien à foutre ! (rires). On se dit ça des fois. Des fois rester mythiques, c'est bien ! (rires). Ça entretient un mystère énorme !

Je regardais sur Ebay et ça tourne autour de deux cent Euro.

M-C : Moi, ça fait plusieurs années que j'ai envie de rééditer parce que je suis assez scandalisé quand je vois ces prix-là et le CD à 75 Euro. Et au final, c'est toujours les mêmes qui se font du fric et pas les artistes et je ne pense pas qu'on se ferait de l'argent si on rééditait ce disque, vraiment pas. Moi ça me ferait plaisir que ça soit réédité un jour mais ça le sera. C'est vrai que la vie va vite, il faut déjà s'occuper des projets qu'on a tous. Donc, s'occuper des trucs d'il y a quinze ans ce n'est pas le truc le plus existant du monde et ça met en branle un tas de choses un peu compliqué à gérer.

Est-ce que c'est désagréable d'avoir toujours des questions sur Diabologum ?

M-C : Non. Mais ce qui est clair maintenant c'est qu'on ne rejouera plus jamais ensemble. C'est clair, je le dis : on ne rejouera plus jamais ensemble. Pour les gens qui lisent ça, on peut déjà noter que ce n'est plus la peine de nous poser la question « est-ce que vous allez refaire des concerts ? ». Nous ne referons plus jamais de concert. Mais sinon, c'est plutôt agréable d'avoir sorti un disque à un moment donné qui a marqué autant de gens et qui est devenu une référence. Si on ne faisait rien d'autre aujourd'hui, c'est sûr qu'on le vivrait mal. Mais vu qu'on sort des disques, qu'on est actifs, on ne vit pas dans le passé. Entre Diabologum et aujourd'hui, il y a eu je ne sais pas combien de groupes, de projets et d'albums sur lesquels j'ai travaillé.

Les autres aussi.

M-C : Oui, tout le monde.

C'est vrai aussi que le concert de reformation dont tu parlais tout à l'heure, avec Françoise Lebrun, j'ai seulement vu des vidéos, mais c'était tellement incroyable.

M-C : Oui, mais je pense qu'il vaut mieux le garder comme ça plutôt que de se retrouver confrontés à un fonctionnement de groupe.

Pour parler du présent, et même de l'avenir, l'album sort en janvier. Les projets pour après ?

M-C : Tourner ! Il y a déjà pas mal de dates de prévues. Et tout n'est pas tombé parce que la promo de Minuit dans tes bras commence à peine.

P-C : Encore une année bien chargée !

Merci beaucoup !

Michel et Patrice : Merci !

25 novembre 2014

The Revolution will not be televised

Depuis que je suis tout môme, je regarde Arte. Depuis 4 ans, je n'ai plus de télé et je regarde quand même Arte. Parce que c'est la seule chaîne avec une vision cool et décloisonnée de la culture, qu'on peut y voir des interviews de musiciens qu'on ne voit pas ailleurs, des supers docus sur la musique, des reportages fous sur des scènes metal et punk des quatre coins du globe... Sauf que...

En regardant le dernier Personne ne bouge, une "critique musicale" (présentée comme telle) nous parle de Britney et de son acte de rébellion capillaire. Parce que oui, tu comprends, se raser la tête comme elle l'a fait, c'est dire merde au bizz, c'est un acte dangereux, limite terroriste. Mais déjà fait, par Sinead O'Connor et pour des raisons beaucoup plus valables. Et cette critique nous sort que quand elle était jeune elle écoutait autant Britney que Fugazi, on passe la ligne. Est-ce qu'on peut dire tout et n'importe quelle connerie dans une émission à visée culturelle ? Citer Fugazi quand on parle de Britney, est-ce que ce n'est pas le dernier signe, la dernière preuve qu'on brasse du vide ? Pourquoi alors ne pas comparer la carrière des 2BE3 avec celle de Crass ? Ou dire que Fauve est inspiré par les Bérus ?

Personne ne bouge était une grande émission quand elle donnait à découvrir de façon ludique et jamais prise de tête des choses passionnantes. Elle creusait l'histoire du cinéma et de l'entertainment comme jamais aucun autre programme télé ne l'avait fait. La plupart des rubriques étaient drôles et grinçantes sans jamais tomber dans le people de bas étages. Mais depuis la rentrée, il y a des ratés. Où est la voix qui faisait tout le sel d'archétype-top ? Pourquoi ces inutiles clips commentés à la va-vite ? Et ces intervenants qui, quand ils ne sont pas passionnants et érudits, sont des scribouillards de catalogues de potins qui s'extasient sur Britney ou Kanye West. Pourquoi quand une émission de télé publique est capable de bien parler de bon cinéma, elle parle de musique de merde ?

Comme si cela ne suffisait pas, depuis quelques mois, tous les documentaires musicaux, quand ils ne sont pas de simples rediffusions (les très bons documentaires sur Kraftwerk et Pink Floyd) sont mal foutues et rabâchant les mêmes lieux communs sur l'histoire du rock. Le documentaire sur le thème de la mort dans les musiques actuelles promettait beaucoup de choses et n'était finalement qu'un pétard mouillé fait des éternels clichés sur Jim Morrison et le club des 27. On s'en branle du club des 27 et des légendes bidons sur le rock à papa. Toutes les périodes musicales depuis les années 50 sont pourtant riches et variées, remplies d'anecdotes et d'histoires qui plairaient à tous ceux qui aiment Arte parce qu'elle les rendaient curieux.

Heureusement, Tracks est toujours là pour proposer des sommaires curieux et défricheurs et partir dans tous les sens tout en respectant toujours sa ligne éditoriale. On peut trouver que l'ancienne présentation était mieux, mais le changement fait toujours du bien quand le fond conserve encore et toujours cette qualité incroyable. Depuis la rentrée, chaque émission a proposé des reportages et des interviews qui tape toujours juste. Pourtant, ce programme existe depuis 17 ans !!

S'il te plait Arte, redeviens la chaîne de télé qui, quand on l'allumait par hasard, nous donnait envie d'ouvrir nos oreilles, de fouiller dans les bacs des disquaires et de nourrir notre curiosité par plus de curiosité.

Sinon, comme d'hab, éteins ta télé, mets un disque et sois cannibale !

20 novembre 2014

Attaquer le soleil

En 2013, sortait le troisième album de Sombres ForêtsLa Mort du soleil. Un disque qu'il faut écouter seul, dans le noir, quand il ne reste plus rien d'autre à faire que regarder le soleil mourir. Impressions.

Tout à coup, il fait si froid quand naissent les premiers sons, il n'y a plus rien autour, que cette musique. "Des Épaves" remplit tout l’air ambiant avec ses quelques notes de guitares posées sur des nappes vaporeuses, elles finiront par prendre vie pour venir vous assaillir. Puis c'est au tour de ces "étrangleurs de soleils" de venir semer la désolation. Une lenteur sépulcrale au son du tonnerre ouvre le morceau, cette fois, il n'y a pas de retour possible.

Est-il vraiment nécessaire de tenter de décrire cette suite de sept longs morceaux, qui nous prend de force pour nous raconter cette histoire puissante de soleils qui s'éteignent aussi fatalement qu'inexorablement ? Existe-t-il simplement des mots assez plein de sens pour dire la fin de tout et son inédite et incroyable beauté ? Car c'est cela que Sombres Forêts parvient à nous décrire. Ecoutez "Brumes" dans l'obscurité qui précède le sommeil et vous verrez naître des images. De celles qui vivent au fond de nous sans qu'on n'en sache l'origine, comme si l'histoire des forces qui nous entourent était inscrite dans notre inconscient. Ne demandant qu'à être réveillée.

C'est à cela que parvient La Mort du soleil, comme sur "Au Flambeau" où de simples notes de piano et une rythmique décharnée suffisent à faire naître une atmosphère désolée mais toujours passionnante. Et il y a cette voix, lointaine, comme noyée, qui nous guide dans ces dédales sans fin, dans ce voyage vers là où il ne subsiste plus aucune lumière. Le plus surprenant, c'est qu'il n'est jamais difficile de se laisser happer pour s'enfoncer toujours plus loin dans l’abîme.

Le black metal de Sombres Forêts est aussi mélodique qu'il est triste et sombre. Mais surtout, il s'en dégage à chaque instant une beauté noire, profonde. Tout ici est plein d'un magnétisme aussi intense que mystérieux et la catharsis que représente l'écoute de l'album dans son intégralité est finalement salvatrice, par les charmes noirs qu'elle finit par distiller dans notre esprit.


"J'ai tout donné au soleil, tout, sauf mon ombre." Apollinaire.

Contemple ce qu'il reste après la fin et sois cannibale.

13 novembre 2014

De Beaux lendemains

Salut vieille carne, ça fait longtemps, c’est vrai qu’on n’a plus le temps de prendre des nouvelles et qu’on est un peu happé par le vide qui nous entoure et finira certainement par nous dévorer. Charmant programme, n’est-il pas ? Il était donc grand temps de revenir papoter musique et récemment la bonne nouvelle, c’était le retour du chanteur d’AmandaWoodward avec un tout nouveau groupe basé en Espagne : RouilleOn tue ici est un bout de vinyle oxydé qui s’écoute très fort.

Un vieux chanteur bien de chez nous voyait la rouille « comme une déchirure, une blessure qui ne guérira pas » (tralala), ici la rouille c’est cette couche sale qui finit par s’agglomérer sur les armes qu’on a depuis trop longtemps déposées. Chez Rouille, il n’est jamais question d’un quelconque espoir ou d’une envie d’aller de l’avant, d’essayer d’y croire, mais plutôt de faire le froid constat qu’à force de tenter et de faire, il ne reste que de l’usure et du cynisme.

Les textes sont tous emplis d’une résignation glaciale qui dépeint ceux qui n’ont pas réussi à aller au bout de leur idéalisme. « On avait failli être bien, pas longtemps on en était pas loin. » Ainsi, tous les combats menés semblent lointains et le présent d’autant plus douloureux que le but a été parfois palpable : « voler, s’envoler mais jamais décoller ». Si aujourd’hui est bien sombre, le disque se termine par une évocation du futur encore plus noire : « on aura une autre gueule, on sera sales et seuls ».

La musique est ici l’illustration tangible de cette désillusion, Rouille pratique un screamo lent, comme dépossédé de tout entrain, les émotions dont le genre est le vecteur sont ici réduites à leur part la plus négative. Certains passages instrumentaux post-rock assurent le même résultat fait de lenteur et d’obscurité, apportant cette sensation que la musique de Rouille ne peut pas décoller ou aller vers la lumière. De tous ces éléments naissent l’impression que le tout est écrasé par un poids, comme la rouille qui recouvre la pièce qui illustre la magnifique pochette du LP.

On tue ici 
est un disque court, fruit d’une passion palpable pour la musique bien ouvragée. Comme si au moment où on avait perdu toute envie pour le reste, il restait ce besoin de faire cela de la plus belle façon qu’il soit, avec honnêteté et sans aucun autre but que de le faire. Un disque qu’on n’attendait pas et qui se révèle tout simplement nécessaire.


« Ivre de périr au feu, libre de mourir au fond, ivre de subir le jeu, libre de souffrir le peu, de ce qu’il nous reste au fond, bien pire que des enfants. » « Même au vent je mens », Rouille.



Laisse-toi lentement oxyder et sois 
cannibale !