27 juillet 2013

L'Humanité

 Après la fin de Diabologum, Arnaud Michniak parti tenter l'expérimentation sous l'avatar Programme. Lorsque sort Mon Cerveau dans la bouche en 2000, rien ne ressemble plus à Diabologum, il ne reste que cette voix hautaine et ce débit entre Spoken Word et flow Hip-hop. L'accompagnement musical n'a plus rien de rock même si des guitares stridentes et répétitives jalonnent la plupart des titres.

Il sont rares les musiciens français à chanter dans la langue d'ici, à s'accompagner d'une musique hybride entre rap, indus et rock ultra bruitiste et à oser aller si loin dans la direction qu'ils s'imposent. Il n'y a en réalité que Programme. Sur chacun des trois albums, tout va plus loin que partout ailleurs mais ce qui perturbe le plus dès les premières écoutes, ce n'est pas tant l'absence quasi totale de mélodie que le cynisme et le nihilisme des textes de Michniak. Ici, il y a de la douleur, du dégout et de la colère mais rarement du renoncement, le but finalement toujours présent étant de pouvoir rester en vie, coute que coute.

Malgré cela et sur chaque album, il est difficile de tenir du début à la fin tant tout ici est noir, perdu d'avance et sans solution. Chaque texte est un constat déclamé haut et fort pour dire qu'il ne sert à rien d'essayer si ce n'est pour l'avoir fait, que l'issu n'est jamais là même quand on a cru l'apercevoir au loin. Sur la totalité des morceaux des trois disques, pas un seul n'apporte de lumière ou de touche d'espoir. La seul porte de sortie parfois évoquée est l'idéalisme, une chose à laquelle on s'accroche malgré tout, mais qui apparait souvent aussi veine que le reste.

L'écoute de n'importe lequel de ces albums dans son intégralité est un parcours du combattant, il n'y a pour ainsi dire jamais aucun relâchement, si ce n'est quand au détours d'un interlude une mélodie lointaine et répétitive tente de se faire une place. Mais très vite la voix revient et recommence sa litanie noire sans que l'on n'ait eu le temps de souffler. Programme nous met vite KO. Et pourtant, dès le disque fini on voudra le mettre encore, en écouter un deuxième, se souvenir d'une phrase obsédante ou d'un passage musical marquant. Et on devra souffrir encore, être face à soi-même et en prendre plein la gueule. Pourquoi ? Parce qu'on aime ça et que Programme sait rendre l'horreur du quotidien et des choses non pas supportable mais indispensable à exprimer. Une preuve définitive d'un grand talent.

Travaille, consomme et meurs mais, entre temps, sois cannibale.

26 juillet 2013

Les égarés

Parlons aujourd'hui d'un groupe unique par bien des aspects : Codeine. Dans la première moitié des années 90 et en deux LP, ce groupe transforme la planète rock indé sans que la masse ne s'en émeuve outre mesure. Vous comprendrez aisément que le quidam avait d'autres chats à fouetter, Nirvana en tête.

Jamais auparavant le Rock n'avait été si lent, si triste et si beau. L'épure ici est totale et cette musique est pourtant d'une richesse et d'une profondeur émotionnelle peu commune. Ceux qui perdent leur temps, et aussi le notre, à poser des étiquettes sur le son ont appelé ça du SlowCore. Ben voyons. Le souci avec les étiquettes, c'est que sous la même appellation on trouvait aussi Low, groupe génial également mais n'ayant pas grand-chose à voir avec Codeine.

Car Codeine ne ressemble qu'à lui-même et possède l'art de mettre la détresse affective et la tristesse en sons et en ambiances, cela parfois avec une violence contenue mais que l'on sent prête à tout dévaster. Ce que sa musique n'exprime qu'en filigranes nous apparait alors comme plus vrai, comme si c'était la pudeur qui retenait tout cela. Comme lorsqu'on n'ose dire le mal-être qu'à demi-mots. Là réside toute la force du groupe, dans son honnêteté jamais démonstrative mais simplement nécessaire. On sent qu'il n'y a rien d'autre à faire que de la musique pour pouvoir évacuer ce dont nous parle le groupe.

Il ne nous reste alors qu'à nous laisser porter par cette lenteur tour à tour rassurante ou pesante, qu'à nous plonger dans ces ambiances si sombres et qui nous attirent pourtant par leur beauté presque lumineuse. Car cette musique nous parle à tous, en exprimant des sentiments et des sensations violentes, elle finit par gagner un côté universel. Il ne faut surtout pas avoir peur de ce qu'elle peut nous faire, on en sortira de toute façon grandi, avec la sensation de mieux nous connaitre nous-même. Et quand la musique sait faire cela, on se souvient de pourquoi on en écoute.

"Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse." Françoise Sagan

Sois triste ou sois cannibale

25 juillet 2013

Le Crime était presque parfait

 Ma trop longue absence appelle des explications... Si je vous disais que j'étais occupé à écouter du Black Metal, ça irait ? Franchement, quelle meilleure excuse pourrais-je donner à ce manque de post ? La découverte forte et profonde d'un genre, que je n'avais jusque-là fait qu'effleurer, m'a demandé une sorte de petite prise de recul. Il fallait simplement que j'appréhende la nouveauté de cet univers si étrange et complexe pour pouvoir en parler et réussir à dire le retentissement, l'impact et, osons le dire (ici on ose toujours tout), le bouleversement que cette musique représente pour moi au moment où j'écris.

La psychothérapie est finie, parlons de ce qui a du sens, parlons de Blut Aus Nord. Le BM de ce groupe si particulier est un hommage aux maitres nordiques du genre autant qu'une fuite en avant vers une expérimentation de tous les instants, il est nihiliste et glacial mais sait aussi se faire rassurant et mélodique. Il est en définitive cynique et érudit à l'extrême mais cette érudition n'est qu'une preuve supplémentaire de sa malveillance. Quand il ne reste plus rien à faire que produire une musique violente et habitée, quand le reste n'est qu'un mensonge ou bien que c'est ce qu'on cherche à faire croire, il n'y a plus de limite à s'imposer.

Des boites à rythmes, des guitares stridentes et des vocaux décharnés sont les principaux outils de son langage. Avec eux, il construit un miroir dans lequel le monde peut se regarder mourir, en étant tel qu'il a toujours été : narcissique et vain. Que l'habillage graphique de chacun des albums du groupe soit minimaliste ou fourmillant de détails et de symboles, au fond peu importe. Le message ne sera pas entendu, il n'existe certainement même pas pour cela, il est auto-suffisant. 

Blut Aus Nord est certainement plus qu'un simple groupe de Black Metal, il est un projet musical sans frontière stylistique, il est une théorisation d'un état d'esprit intransigeant et grandiloquent. Il est le Black Metal car il sait ne pas se contenter de n'être que cela. Il brouille les pistes, se cache, expose pour mieux déconstruire par la suite, lui seul sachant où il va. Quelque-soit la direction qu'il choisira de prendre, elle sera toujours passionnante car elle ne sera le reflet que de son seul souhait.

 "L'enfer a été fait pour les curieux." Saint Augustin.

Brûle au soleil ou sois cannibale.