19 juin 2013

L'Odyssée de la poisse

Nous sommes en 1996, ta sœur est fan de Big'n, un groupe du fond de l'Illinois. Elle sort avec un gros barbu, il boit beaucoup mais il est gentil quand-même. Leur romance est belle comme une telecaster dont les cordes sont bouffées par la rouille, ensemble ils écoutent en boucle Discipline Through Sound.

Il gagne sa vie en vendant des T-shirts qu'il sérigraphie lui-même, elle bosse avec les enfants. Le Weekend, ils montent à la ville la plus proche pour voir jouer Jesus Lizard, Portobello Bones ou Ulan Bator dans des lieux autogérés. Ils n'ont pas forcément de grandes aspirations ou de magnifiques rêves utopiques qu'ils souhaiteraient voir se réaliser. La vie n'a pas besoin qu'on la rêve, elle est là, partout autour d'eux.

Fin du rêve. Nous sommes en 1996, ta sœur est fan de The Offspring. Son mec est un gros beauf avec les cheveux décolorés, ils mangent au mcdo chaque samedi soir puis regardent la télé. Ou peut-être est-ce la télé qui les regarde ? Quelle différence ? Ils n'ont pas d'autres rêves que de devenir différents de leurs parents, ils seront pires. Ils sont la première génération à avoir accès à tout, à pouvoir se réaliser comme jamais auparavant. Ils ne feront rien à part ce que fait tout le monde. Ils écouteront la même musique, verront les mêmes films, auront les mêmes idées sur les mêmes sujets.

C'est cela Big'n. Cela n'a pas de sens, n'est pas carré, ne tourne pas rond. Beaucoup pensent que c'est du bruit, c'est en fait un miroir qui, en transformant la réalité en musique, la rend excitante. Pas plus vivable mais tellement outrageante, violente et chaotique qu'elle est comme ces films où tout peut arriver car rien n'est vrai. Big'n est comme les autres : du chant, des guitares et une batterie mais passé cela, il ne ressemble qu'à lui-même. Il n'est pas là pour l'argent, il est là pour cogner dur.

Big'n s'écoute fort pour mieux pouvoir avaler les cerveaux des inconscients qui croisent son chemin. Il n'a rien à t'apprendre, il n'expose pas de moral à la fin de son histoire ou alors simplement t'inculque qu'il n'y en a jamais eu. Qu'il n'y en aura jamais. Il ose même reprendre ACDC, c'est dire.

 "La réalité, qui est le plus puissant des hallucinogènes." Emile Ajar.

Reprends une dose, sois cannibale !

17 juin 2013

Un Héros très discret

Il y a quelques années, la rumeur courue sur internet que Ian McKaye était décédé. Fort heureusement, il n'en était rien. En 2013, ait sorti le premier album sur lequel il apparait depuis des années et dont nous vous avons déjà parlé ici. L'homme est également à l'origine d'une petite dizaine de groupes, d'un label, d'un studio d'enregistrement et de l'éthique de vie straight edge, rien que ça. Après plus de trente ans de passion(s) au service de la musique, il est un des derniers garants de l'humilité et du message porté par le HXC des origines. Morceaux choisis.

En 1980, McKaye et une bande de potes de Washington forment l'éphémère Teen Idles. En un EP, ils participent à la création d'un genre, le Hard Core. Le groupe se sépare rapidement et Ian et le batteur partent former Minor Threat. Ce dernier est actif jusqu'en 85 et enregistre quatre EP, aujourd'hui considérés comme les fondamentaux d'un style de HXC rapide et sans concession. Les textes parlent du quotidien dans les banlieues : les rixes avec la police, la violence et la frustration. Dans le morceau "Straight Edge", McKaye expose son point de vue face aux drogues et à l'alcool. Il sera à l'origine d'un mouvement aujourd'hui répandu dans le monde entier. La totalité des enregistrements du groupe est sorti sur une intégrale en 1989.

En 1985, beaucoup d'acteurs de la scène HXC de Washington ne se reconnaissent plus dans la violence qui règne lors des concerts. Ils décident de mettre fin à leurs groupes respectifs et se mélangent pour en former de nouveaux. McKaye et trois anciens membres de Faith créent alors Embrace. Le tempo ralentit, la musique se fait plus construite et mélodique mais la dureté et le refus de toutes concessions sont toujours là. Embrace enregistre un unique LP, considéré aujourd'hui comme un des albums à la base de l'Emo et se sépare à son tour.

Deux ans plus tard, le chanteur est rejoint par Al Jourgensen et plusieurs membres de Ministry avec lesquels il crée Pailhead. Le groupe enregistre quatre EP et se sépare l'année suivante. Musicalement, il demeure le crossover parfait entre l'Indus et le HXC. Il est assez surprenant de penser que McKaye, farouchement anti drogues, se soit joint à Jourgensen, encore connu aujourd'hui pour ses excès divers.

Après Pailhead, il s'associe à plusieurs figures de la scène de DC, dont deux anciens membres de Rites of Spring, pour former Fugazi, qui allait devenir son groupe le plus important, tant par sa durée de vie et la richesse de sa discographie que pour l'impact énorme qu'il allait avoir sur la scène internationale. Celui-ci sort 6 albums et une poignée de EP qui sont, aujourd'hui, tous considérés comme des incontournables des musiques indés américaines. De l'approche mélodique hors du commun à la force des textes et du refus du statue de rock-star à l'intégrité tant musicale que contextuelle, Fugazi reste un groupe à part, un exemple de refus des compromis. La preuve qu'un groupe peut durer sans céder aux sirènes du succès ou arrondir les angles. Le groupe n'a rien sorti depuis 2001 mais le label Dischord ( crée par McKaye) a crée un site sur lequel on trouvera, à terme, les enregistrements de la totalités de ses concerts.

Depuis la fin (provisoire ?) de Fugazi, McKaye s'occupe principalement de la gestion de Dischord et n'a sorti que trois albums avec The Evens, duo crée avec sa femme Amy Farina. L'aspect familial et sans prétention du projet n'enlève rien à la grâce qui se dégage des morceaux du groupe, preuve supplémentaire de l'incroyable talent du monsieur.

"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait." Mark Twain.

Si le silence t'ennuie, sois cannibale !

14 juin 2013

Baise-moi

Si tu crois que le bon Rock chanté en français se limite à Noir Désir, cet article est là pour corriger cette erreur en faisant l'éloge -totalement subjectif, malhonnête et exagéré (tu sais où tu es)- d'un trio qui cassait trois pattes à un canard et qui avait un nom à la féminité sulfureuse : Virago.

Nous sommes en 1997 quand sort le premier EP des trois de Grenoble, suivront deux longs formats : Introvertu en 98 et Premier jour, deux ans plus tard. La droite règne, le chômage nargue et leur musique n'est pas une déclaration d'amour à l'humanité, au consensus et à la rime riche. Ici, la guitare est répétitive et sale, la section rythmique fracturée et la voix monocorde et blasée vous déclame de sales histoires d'amours avortés et emplies de cynisme.

"Elle me dit que tout va mal. C'est la vie, c'est pas tous les jours rose. Elle me dit "c'est viscérale, je n'arrive plus à croire, avaler quelque-chose"." Tout va pour le mieux, 97.

Ici, les textes ne sont jamais engagés ou moralisateurs, ils ne sont qu'un constat de ce qu'il reste après, quand tout est déjà perdu. Quand il faut essayer de continuer lorsque plus rien n'a de sens. Le cynisme règne alors, puisqu'il faut aller de l'avant en faisant abstraction de tout ce qui est négatif. Virago savait mettre cet état de fait en mots et en musiques comme personne, et le faisait avec rage et quelque-chose qui ressemble à l’énergie du désespoir. Une énergie finalement positive. Saine.

Après la disparition du groupe en 2000, la place qu'il laissa dans le paysage rock français allait rester désespérément vide jusqu'à aujourd'hui. La force de chansons comme "Ouvre-moi" symbolise bien l'aspect crû d'un groupe dont la musique garde une place à part dans la petite histoire des sons indés de chez nous.


"Au début, on croit mourir à chaque blessure. On met un point d'honneur à souffrir tout son soûl. Et puis on s'habitue à endurer n'importe quoi et à survivre à tout prix." Baise-moi. Virginie Despentes. 

 "En pays cannibale, le cannibalisme est moral." Samuel Butler.

13 juin 2013

La Joie de vivre

 Nous sommes en 1994 dans cette bonne vieille Amérique du nord, quatre garçons vont former un groupe qui allait devenir un des maitres étalons de l'Emo moderne. Ce groupe s'appelle Texas Is The Reason et véhicule une aura jamais discutée parmi les coreux.

En seulement un LP et une poignée de EP, ce groupe a posé les jalons d'un style alors florissant qu'on appellerait par la suite Post-Hardcore. Transfuges de formations Hardcore telles que Shelter ou 108 (ah le Krishna-Core), ils n'étaient, bien sûr, pas nés de la dernière pluie acide. Mais l'incroyable cohésion et la justesse musicale que dégage le groupe dès son premier album sont soit de l'ordre du miracle (ahem,) soit découlent de deux petites choses chères au Hardcore : L'humilité et l'intégrité.

L'air de rien et avec une décontraction folle, ces quatre types ont marqué l'histoire de la musique indé d'une manière aussi forte et durable que leur groupe fût de courte durée, pour ne pas dire éphémère. Il suffit d'écouter un seul titre de leur répertoire (récemment réédité en intégrale sur un seul CD), pour rapidement se rendre compte qu'il se passe ici une chose unique et rare, qui tient autant de la musicalité que de l'émotion intense. Dans chaque note, on sent les sentiments qui en sont à l'origine, la force d'un message parfois engagé ou introspectif, l'honnêteté d'une bande de mecs qui parlent simplement de ce qui les touchent et qui ont la chance de faire partager la musique qui leur plait.

Le groupe se sépare en 1997. C'était il y a un moment et pourtant, cette musique n'a, non seulement pas pris une ride, mais garde une fraîcheur incroyable, elle est ironiquement bien plus actuelle que la bouillie servie par beaucoup de ceux qui, par la suite, se sont réclamés de l'Emo. Pas la peine de citer des noms, chacun les connait forcément, cet endroit n'est pas de ceux où l'on critique par paresse.

Si pour vous, l'Emo n'est qu'un festival de larmes grasses, servit par des mécheux maquillés de noir et fins businessmen, une musique calibrée pour les ados, facile et sans saveur, alors écoutez Texas Is The Reason très fort en regardant le soleil briller (essayez au moins d'y croire).

Cela faisait un moment que je n'avais pas posté, ta vie perdait tout son sens et tu t'habillais en épouvantail, passant ta journée devant MTV ou à lire Rock n'Folk (oui, à ce point-là)... Reprends espoir, la période creuse est finie ! Sois Cannibale !