30 avril 2014

Le Voyage fantastique

En février dernier, ce n'était pas tout à fait l'hiver et la température est montée de plusieurs degrés lorsque We Insist! a sorti son 5e album, le bien nommé... Ah non, en fait c'est un sans-titre. Personnellement, j'aime bien les disques éponymes parce qu'ils sont souvent synonymes d'album-clé dans une discographie, pas toujours mais quand même. Et là, on peut dire que c'est le cas puisque nous avons entre les mains le meilleur album des parisiens. Alors, sinon il est bien comment ?

D'abord il est illustré par un très jolie clip de Mariexxme pour l'excellent "Another Era", dixième et dernier titre. Vous me direz "c'est bizarre non que ce soit le dernier titre du disque qui soit clippé ?" oui, peut-être mais quand la totalité d'un disque est faite de claques, de baffes et d'uppercuts, on fait ce qu'on veut et puis c'est tout. Car s'il n'y a pas un titre mauvais sur cet LP, on peut même dire qu'aucun morceau ne parait ne serait-ce que faible ou moins passionnant. Car de l’inaugurale "While The West Is Falling ?"et son riff magique au déjà cité "Another Era", on ne s'ennuie jamais. Mieux on tape du pied, on danse debout sur sa table basse une guitare mentale dans les mains, on saute partout et dès que la galette arrive en fin de course, on recommence. Après, on arrive en retard à tout ce qu'on doit faire dans sa vie (car oui, on ne peut malheureusement pas passer sa vie à écouter We Insist!) en disant : "désolé, j'écoutais le nouveau We Insist!". Chez moi, cet état de fait a duré 42 jours, je suis fâché avec mon patron, trois de mes voisins et plusieurs de mes amis, mais ça en valait la peine.

Je suis déjà dans un état surexcité, pourtant je ne vous ai parlé que de deux titres. Quand le massif et passionnant "Folding Iron" commence, on s'extasie sur ces riffs puissants et inventifs, sur cette basse qui nous fait tourner en bourrique et sur ce larsens et ces chœurs jouissifs. Rien que sur ce titre, il y a plus de bonnes idées que sur les albums entiers de certains groupes dont nous tairons les noms par gentillesse. L'incroyable, c'est que ça sera ça jusqu'à la fin : "First Draft" et ses cassures rythmiques recommandées par tous les ostéopathes du monde, "Elijah's Spell" et ses montagnes russes mélodiques, "Black Post White Ghost" qui commence comme une ritournelle noise et finit par vous emmener plus loin que le meilleur de Primus, etc. Pas besoin de tout vous dire par le menu, vous avez compris, cet album est la meilleure chose qui nous soit arrivée cette année. Il me faut tout de même en rajouter une couche :  "Four Nights In August" est une tempête pop, elle tournoie tellement vite qu'on n'est même pas surpris d'y croiser un accordéon. Qui d'autres pond des morceaux de cet trempe ?

On pense parfois à Mars Volta, à Primus ou à 31 Knots, peut-être aussi aux derniers Fugazi pour l'inventivité, moi, je pense juste que We Insist! est mon nouveau groupe préféré.


"le talent c'est la hardiesse, l'esprit libre, les idées larges." Tchekhov.

T'as faim, viens!

5 avril 2014

La Gueule Ouverte

Fin 2012, un disque sortait, c'était le meilleur album de rock en français depuis bien longtemps. Cet album s'appelle Traqueur et c'est le deuxième bébé de V13.

Jamais je ne me suis senti autant floué par l'actualité médiatique musicale que quand j'ai découvert V13 dans un article de Noise (ils font partie des rares à avoir parlé de ce disque, grâce leur soit rendu pour ça et pour être rien de moins que le meilleur magasine musical français). Peu de gens en ont parlé et cela restera toujours pour moi  un mystère. Pourquoi ? Parce que ce disque est une réussite totale, un uppercut.

Commençons par le commencement, d'abord il y a cette sublime photo de Rufus qui est un artwork simple et efficace comme on aimerait en voir plus souvent par chez nous. Ensuite, il suffit d'écouter l'album une fois pour se prendre dans la gueule la prod estampillée Steve Albini, rêche et nerveuse, parfaite. Et il y a ces neufs morceaux tous trempés d'une façon inespérée dans une sauce noise rock dans laquelle on n'avait pas croisé de textes en français depuis Virago. Le chanteur de Virago vient d'ailleurs pousser la gueulante sur "animal", tendu et élastique comme une corde d'arc.

Une ombre lointaine plane parfois sur ce disque mais n'est jamais envahissante, elle s'entend surtout sur quelques lignes de chants, c'est celle de Noir Désir. Mais alors dans ce que les bordelais avaient de plus venimeux et sale, dans leur meilleur côté finalement. La surprise ici est que sur chaque morceau V13 tient sa propre formule, son proche terrain de jeux dans lequel on aime à se faire chahuter sans jamais avoir le temps de jouer à la recherche de références faciles. La formule est bien à eux, grâce à un son tour à tour sec et chaleureux et surtout par la magie de textes forts, dont les images sonnent justes et toujours inédites.

Enfin la construction du disque est intelligente et permet d'éviter les pièges de l'ennui, "Ricardo Klement", "Personne m'attend" et "21 grammes" sont toutes aussi directes que brutales avant l'accalmie de la merveilleuse "Belle de jour". Le disque garde ensuite cette cadence de montagnes russes autant musicalement que pour ce qui est des textes. Le constat est donc simple : oui et encore ! Si je faisais partie des gens qui mettent des notes, je mettrais un bon 12/10, avec les félicitations de mes oreilles, de mes cervicales et de mon âme. Elle ne pèse que 21 grammes mais n'a pas été très souvent aussi conquise par un disque.

"Je suis un animal, mon instinct de survie me dit qu'il vaut mieux rester là. Le cœur est un incendie."
" Animal"


Soupèse ton âme en écoutant Traqueur et soit cannibale !