11 septembre 2012

Funny Games

Quoi de mieux que ce film de Michael Haneke pour illustrer la violence de Naked City, dont la musique a d'ailleurs servi de toile de fond à plusieurs scènes ? Oui aujourd'hui on parle torture et rites sadomaso avec les maitres du Jazz extrême. Naked City est un groupe d'improvisation constitué de cinq membres (avec régulièrement un chanteur en plus) emmenés par le génialement dérangé John Zorn dont nous avons déjà parlé ici.

Je ne parlerai dans ce post que de la réédition du génial Torture Garden, qui à l'occasion de ses vingt bougies a été couplé avec le glauquissime Leng Tch'e. Le premier album est un enchainement de 42 morceaux courts, entre dix secondes et une minute. Des morceaux qui soignent les cervicales en vous enfonçant des bris de verres partout sur le corps. Car oui, Torture Garden est une thérapie, une sorte d'exutoire pour vomir les maux de notre monde et les mélanger dans un grand mixeur pour en faire de petits Haïkus sonores, malsains, drôles et fous. Le groupe superpose les genres : Surf, metal extrême, free jazz, mais ceci à l'intérieur de chaque morceau, à l'aide de cassures rythmiques et de changements de caps aléatoires et brutaux.

On revient difficilement indemne de l'écoute de ces morceaux, cela même lorsqu'on est habitué à écouter de la musique violente. Ici, Naked City vous plaque au sol pour vous chatouiller avec entrain; là, il vous attache pour vous vider des seaux de matières visqueuses et odorantes sur la tête. Mais tout ça se fait dans la bonne humeur, car Naked City c'est quand même un peu pour de rire les amis. Mais nous n'avons pas tous le même sens de l'humour, alors prenez garde car leurs limites ne sont pas forcément celles des autres.

 Leng Tch'e est composé d'un seul et même morceau affichant 31 minutes au compteur, pour un résultat diamétralement opposé. Le rythme se ralentit à l'extrême, l'ambiance devient malsaine et le bruit remplace les notes. On étouffe comme sur Torture Garden, mais cette fois ce ne sont plus des blasts qui nous collent aux murs, c'est une ambiance, ça se passe alors dans la tête.

Vous l'aurez compris, ici, on n'est pas là pour se faire peur dans des minis montagnes russes sonores en se jetant des cacahuètes et en poussant des cris de bêtes. Ce n'est plus pour s'amuser, c'est l'autre versant de la torture, la sale, celle qui fait vraiment mal, qui fait peur, qui glace le sang. Celle qui ne fait pas rire mais qui peut vouloir faire mourir. Mais le Leng Tch'e, cette méthode de torture traditionnelle chinoise, se distingue par le fait que, avant de le faire mourir, on donne de l'opium à la victime, d'où le sourire de l'homme sur la magnifique pochette de l'album. Selon les différentes interprétations que l'on trouve sur le Web, on parle d'une sorte d'extase qui serait atteinte par la victime au moment de mourir.

C'est bien cela que voulait atteindre Naked City, devenir, non seulement une B.O d'un film de torture sadomaso, mais être plus que ça, devenir le rite lui-même, que sa musique en soit l'outil. C'est réussi, si on considère que ces deux albums dérangent autant qu'ils fascinent, amusent et font peur.

La curiosité peut devenir un vilain défaut... Alors restez cannibales!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire