3 octobre 2016

Mon âme par toi guérie

Il y a un peu plus de quarante ans, Leonard Cohen sortait une poignée de disques immortels, capables de traverser les abîmes du temps pour venir titiller le cœur de ceux pour qui la musique reste une expérience à part. Ils s’appellent Songs of Leonard Cohen, Songs of Love & Hate et New Skins for the Old Ceremony, ce sont des sortes de phares, des points d’ancrage, des balises qui vous rassurent, vous disant à l’oreille que vous ne serez plus jamais seuls.
Trois albums pour à peine trente chansons, mais de celles qui résonnent n’importe où avec la même force. Dans le dernier film de Nani Moretti, une des premières scènes se déroule au son de « Famous Blue Raincoat » qui vous enfonce dans votre siège pour comme pour mieux vous y installer. Cette chanson est une des nombreuses clés qui ouvrent la porte aux mots de Leonard Cohen, à sa musique parfois si délicate qu’il faut savoir tendre l’oreille pour être capable de réellement écouter. Elle est de la trempe de ces chansons rares, universelles et mystérieuses, qui à chaque écoute vous nourrissent d’une émotion brute, d’une chose qui va bien au-delà de quelques mots sur de la musique. Elle est un voyage intime, un recueillement.
« Who By Fire », « Joan of Arc », « Leaving Green sleeves », la liste pourrait continuer, sont aussi de ces chansons qu’on se doit d’écouter en ne faisant rien d’autre ; il suffit de s’assoir, elles feront le reste. Elles nous transportent dans ce lieu intime, tour à tour froid ou chaleureux, que nous avons tous en nous, là où réside nos espoirs et nos craintes. Elles sont presque nues, sans aucun artifice, mais possèdent la grâce qui fait la poésie avec de simples mots et le savoir-faire mystérieux qui fait l’art avec des outils communs.
Certaines de ces chansons deviennent, avec les jours, avec la vie qui passe, de chauds manteaux dont on habille son âme contre la rigueur de l’hiver, contre l’âpreté du temps. Tout ici, par la grâce d’une voix et de quelques mots posés sur une guitare, réussit l’intense miracle de sublimer le parcours du son dans votre organisme pour parler directement à vos cinq sens, les réveiller et les soigner. Ces chansons-là ne sont pas une drogue mais bien le meilleur des médicaments, de ceux qui redonnent envie de croire. La musique de Leonard Cohen nous parle de ce qui nous traverse le soir, juste avant le sommeil, quand on se sait vivant, plein de nos blessures et de ce qui fait l’envie d’être au monde. Pour cela et pour sa beauté, elle est précieuse comme un livre qu’on voudrait toujours garder auprès de soi.
« And what can I tell you my brother, my killer
What can I possibly say?
I guess that I miss you, I guess I forgive you
I'm glad you stood in my way. »

Ferme les yeux, écoute et sois cannibale.

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