3 octobre 2016

The Network

Nous sommes en 2084, la gauche caviar radicale gouverne la planète d'une main molle et poisseuse et The Fall sort Sub-Lingual Tablet, son trois millième album. Et c'est un tour de force parce que Mark E Smith commence à être vieux, très vieux. Mais que voulez-vous, on ne change pas, il a encore la haine qui lui chatouille affectueusement la langue.
Bon, soyons raisonnable puisqu'en réalité The Fall n'en est, seulement, qu'à trente disques studio et des poussières, une petite discographie tout ce qu'il y a de plus modeste. Généralement, quand on se retrouve devant un groupe aussi productif, on finit par être devant une oeuvre dans laquelle il y a à boire et à manger. The Fall est clairement de ceux-là, semant ici et là des albums oubliables ou clairement chiants, mais l'histoire nous a montré qu'il fallait guetter chacune de ses sorties, n'étant jamais à l'abri d'une très bonne surprise. Et profitons, mes frères, car le dernier prêche est de haute tenue.
"Dedication Not Medication" déboule avec sa grosse basse hypnotique et ses zébrures (ouais, des zébrures) de synthés noise, puis la voix du petit Smith vient nous punir de son fiel. Nous sommes en 2015 et le Post-punk le plus jouissif est bel et bien vivant. Une fois qu'on sait ça, la bande à Smith peut faire ce qu'elle veut, nous sommes déjà conquis. "Junger Cloth" ne peut que convaincre avec ses deux batteries, cet orgue gentiment anachronique et l'apparition d'une sorte de batucada (oui, t'as bien lu) quand la voix fait son apparition. The Fall concasse du Zouk pour mieux créer la transe. Mark E Smith a tous les droits, il les a gagné en trois décennies de refus des concessions.
"Auto Chip 2014-2016" est le gros morceau de l'album, dix minutes de répétition malmenées par la guitare et la voix qui serpentent dans un dédale Kraut. Sont-ils nombreux les vieux briscards de la fin des 70s a être encore dans le cortège de tête d'un Post-punk qui ose tout ? Un morceau à écouter très fort en chassant les araignées qu'on a tous au plafond.
"Fibre Book Troll" est ma petite préférée, elle est dansante et noise, fourmille de sons. Elle ne cesse de monter jusqu'à ce que Smith vienne la salir un peu plus de sa voix au papier de verre. Le reste de l'album est à l'avenant, répétitif et fou, fielleux, jamais ennuyeux. Au bout de près de quarante ans d’assauts soniques, réussir à nous emballer de la sorte est un exploit, le talent en définitive, rien que ça.
"N'attendez pas le jugement dernier. Il a lieu tous les jours." Albert Camus, La Chute.
Mets la pilule sous ta langue et sois cannibale.

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